Un dimanche à La Guéroulde *
C'est une Normandie qui ne fait pas d'esbrouffe, plate, calme,
enchâssée dans ses champs de blé.
De petits villages disparates
aux maisons de briques et parfois de broc, semblent semés là
comme autant de cailloux par un Poucet géant.
Sortir de table un peu groggy par l'abondance
d'un déjeuner de campagne,
enfourcher un vélo et partir droit devant,
n'entendre que le sifflement
du pédalier, les chants d'oiseaux,
le petit "ffrrrrttt" d'un lapereau surpris qui rallie le bois voisin,
pédaler encore plus vite, faire "sans les mains",
puis "sans les pieds" les jambes en compas, penser aux films
de Nina Companeez qui racontaient si bien les étés,
passer devant le champ de Coco l'âne,
se retrouver après l'effort
dans la cave de la longère pour chercher une boisson,
tomber sur des vieux trucs, certains jolis, d'autres beaucoup moins,
mais trouver cela touchant et réconfortant.
Il ne reste plus de tarte (oui, l'amie docteur ès tartes a récidivé),
enfin si un peu mais on la laisse
aux invitants pour leur dessert du soir.
La route vers Paris se fait en silence.
On a pris un coup de soleil, et on se retrouve
avec un décolleté vanille-fraise du plus bel effet...
Un arrêt chez le boulanger du village pour raffler la dernière boule au seigle,
qu'on entamera dans les inévitables embouteillages
[...Le bourg a d'autres secrets, d'autres clairières qu'aucun panneau ne vient annoncer.
Un mur longe le parc que je garde pour le terme de la marche.
La rue du Trou-à-la-souris m'invite en attendant.
Elle a le pittoresque des ruelles de province; dans les jardins,
des choux montés côtoient des dahlias. Il y a cette porte délavée,
qui a dû être enseigne dans un autre temps...]
Philippe Delerm
Les chemins nous inventent
*commune du département de l'Eure, près de Breteuil sur Iton