Lire parmi les fleurs
Avec le printemps revenu, les fêtes de jardins battent leur plein
aux quatre coins de France. Lasse de traquer LE brin d'herbe qui prétendrait
lutter contre le pavé parisien, j'ai mis cap à l'ouest, mon ouest nantais
où, patiemment, les futures clochettes de mai se mettent en ordre de marche
chez les maraîchers et dans les sous-bois.
Cueillir une fleur : quelle grâce peut-on apporter à ce geste simple,
quasi enfantin ? Faire d'improbables assemblages, avec ce
qu'offrent le talus ou la clairière, le marécage scintillant, le bord
d'un chemin dessiné par les pas. Et trouver intéressant ce bouquet
que l'on plantera dans un vase improvisé, bocal, cafetière sans couvercle,
bouteille ventrue ayant contenu un vin italien, cruche en grès...
Dans la mini jungle du jardin maternel, rechercher le coin idéal qui permettra
de recevoir la douce lumière filtrée par le feuillage naissant de l'érable roux,
y traîner un transat, installer de quoi se désaltérer et de quoi lire.
Et lire, bercée par le ronron imperceptible de la tondeuse d'un lointain voisin,
ou celui tout proche d'un chat qui vient vous visiter en ondulant,
soudainement attiré par vos genoux enfin au repos.
{le premier muguet du jardin et déjà, quelques promesses de figues !}
Et si, malgré ses dimensions, l'Eden maternel ne suffit pas, attendre
la fin de journée et se rendre au Jardin des Plantes de la ville de Nantes,
magnifique bijou botanique où l'on aimait tant laisser vagabonder
notre adolescence, et où, en cette fin avril, explosent
les buissons d'azalées, les grappes de glycines,
tandis que s'éteignent doucement les camélias.
{les aquarelles de Didier Clavreul; le "dormanron" de Claude Ponti; un petit noir en terrasse
du Café de l'Orangerie, et lecture de "Mâche", la revue nantaise gourmande }
Puis reprendre le train du retour avec dans ses bagages, comme souvent,
quelques fleurs du jardin, là ce sera du muguet, les dernières confitures
de figues millésime 2017, du persil sauvage, un vieux livre retrouvé sans
l'avoir cherché, et qu'on lira à Paris, tant pis.
"Le vrai jardinier se découvre devant la pensée sauvage"
Jacques Prévert