Un moment impressionniste
Un jour peut-être cesserai-je de vous parler de Giverny et de la maison
de Claude Monet, un jour peut-être serai-je lasse d'admirer les caresses
des saules sur le miroir de l'étang, les corolles des si célèbres nymphéas,
à peine troublés par les sauts des reinettes, la demeure rose poudré
aux volets d'un vert "néti" si violent qu'il en heurterait presque
notre idée du bon goût qui se veut asservi aux teintes pastel.
Mais ce jour n'étant pas arrivé, je tenais à partager avec vous mon petit
album givernien, consciente que même sans y être allé, le monde entier
(ou presque !) connaît déjà par coeur son insolente salle à manger,
sa pimpante cuisine, et son jardin plus anglais qu'un cottage des Costwolds,
tant cette maison a fait l'objet d'inombrables reportages.
Si dans l'entrée, l'atelier et le cabinet de toilette, les couleurs choisies
sont neutres pour mettre en valeur toiles et objets, dans la salle à manger
en revanche, c'est l'explosion des jaunes, du beurre frais au canari
en passant par le citron ! La première fois que l'on pénètre dans cette pièce,
c'est un peu comme sortir de l'ombre au grand soleil en plein après-midi.
{la célèbre cuisine jaune de chrome où Monet recevait d'illustres amis :
Renoir, Clemenceau, Pissaro...}
On voit qu'un peintre vit ici. Les couleurs fusent, se cherchent,
se heurtent parfois, mais pour un résultat étonnant et incroyablement moderne.
Pénétrons directement dans la cuisine, tapissée de carrelages bleus de Rouen.
Artiste, Monet n'en était pas moins gourmet, et l'on sent bien que cette
cuisine-ci n'est pas qu'un décor. Imaginons alors des tartes Tatin, des oignons
farcis, des soupes à l'ail, des carottes fermières et des omelettes mousseuses...
Continuons d'imaginer... 1896 : Alice est partie au marché à Vernon
avec les enfants. Tout est calme dans la maison.
Marguerite s'affaire en cuisine, Félix au jardin, Sylvain à la cave
et Florimond au potager. La plus banale des journées devient ici
un moment proustien, une nouvelle de Colette, un film de Jean Renoir.
{les trois photos ci-dessus sont extraites du livre "les carnets de cuisine de Monet"
aux éditions du Chêne}
Il parait que lorsque s'achève un morceau de Mozart, le silence qui suit,
c'est encore du Mozart. Le sentiment est identique ici. Lorsque l'on quitte
la maison du peintre, on continue à voir partout son empreinte,
à ressentir son rayonnement dans tout le village.
Cette vigne vierge me donne des idées de balade automnale.
Tiens, Giverny en octobre, cela ne doit pas être mal ?