La fille de La Rochelle
D'abord, c'est un joli nom : La Rochelle. Cela pourrait même être un prénom,
puisqu'on vit à une époque où tout est possible. C'est surtout une bien
belle ville, effleurée il y a quelques années lors d'un passage éclair,
mais où j'ai choisi cette fois de poser bagages pour une quinzaine de jours.
{le port; les volets du restaurant "Les flots" tenu par Grégory Coutanceau;
les rues commerçantes; les belles villas du Mail}
On a le sentiment qu'il doit y faire bon vivre, que ce soit à l'abri
de ces demeures bourgeoises qui longent le Mail, ou dans ces maisons
de dimensions plus modestes aux volets colorés sur lesquelles s'agrippent
les hampes souples des inévitables roses trémières.
{Calice, peu téméraire les premiers jours devant cette belle inconnue, s'est finalement décidée
à jouer les chattes de carte postale en posant régulièrement sur les rebords de fenêtres}
Notre location - volets bleus, murs blancs, se niche discrètement
au fond d'une courette à la végétation méditerranéenne, dans un quartier
divinement calme à quelques coups de pédales du bord de mer et du Casino.
{une maison de pêcheur, à l'abri du bruit et des regards, et un décor apaisant
pour des vacances idéales !}
A l'intérieur, c'est sable et bleu, couleurs de plage et d'océan.
Les sols frais au toucher sont de tomettes et de grès, les murs
talochés blancs soulignent la délicatesse des petits tableaux
accrochés ça et là.
Au moment du choix des vacances, il est toujours compliqué de bien
déterminer sur photos ce qui sera son univers pendant quelques jours,
voire quelques semaines. Car c'est, à mon sens, aussi important
que le lieu même où l'on a décidé de résider.
{aucune relation entre la première et la seconde photo ! ;-)
"La maison du bout du monde", ainsi baptisée par sa propriétaire en clin d'oeil
au phare, a tenu les promesses annoncées. Pour Calice, ma jolie chatte de 18 ans
en deuil depuis janvier de son petit frère, c'était une épreuve.
Les chats détestent qu'on les déracine. Là, au bout de deux jours, nous avons
eu la confirmation qu'entre cette maison et elle, c'était l'osmose.
{la plage de Rivedoux; le port de La Flotte; pas de banc à l'ombre pour déguster
notre sandwich : reste le manège ! C'est la première fois que je mange à cheval}
Inévitablement, un détour par l'Ile de Ré s'est avéré nécessaire.
Je voulais absolument vérifier si cet endroit méritait sa réputation.
Le verdict est : oui. C'est beau, beau et re-beau.
{la flèche de l'église Saint Etienne à Ars en Ré; l'hôtel et spa La Baronnie à Saint Martin;
je n'ai craqué pour aucun sac de lin, de chanvre, de paille, de raphia, de ficelle... Comment ai-je fait ?}
Il y a là-bas tous les bleus qu'on peut imaginer, les verts les plus suaves,
des blancs qui n'en sont pas, des roses coup de soleil, des gris doux
comme un pelage, et cette lumière divine dans les champs de blé
strawberry blonde, au milieu desquels se dresse tout à coup la silhouette
hiératique d'une ancienne abbaye, et la mer juste derrière
qui semble fredonner du Nougaro.
Abandonner le port de La Flotte ou celui de Saint Martin pour se perdre
dans le lacis des ruelles anarchiquement pavées, ne jamais se lasser
des roses trémières mais aimer aussi la sobriété des façades juste chaulées
des maisons qui semblent hésiter encore entre abandon et résistance, s'asseoir
à l'ombre des préaus du vieux marché, se dépêcher de finir la glace qui
vous amidonne les mains de coulures sucrées, tenter d'arrêter le temps...
{l'abbaye des Chateliers; une des innombrables boutiques de Saint-Martin (trop peut-être ?);
un coeur pris dans le pavage du marché du XIIe siècle à La Flotte}
Tandis que la France entière suffoquait sous la canicule, deux petites journées
bien bien fraîches ont ponctué notre découverte de Chatellaillon.
Ici, c'est un peu les vacances de M. Hulot version Charentes Maritimes.
Il y a les cabines rayées, les villas d'un autre âge, une fréquentation,
en cette fin juin, de couples à petit chien, et, dans la rue centrale,
des magasins échappant à tout diktat de tendance.
On se revoit, méduses aux pieds, bob enfoncé sur le crâne, seau et pelles
en main, piaffer à l'idée d'aller constuire des palais imaginaires,
des places-fortes de chevaliers inventés, avant qu'ils ne soient emportés
d'un coup de langue écumeuse par la marée montante.
{le meilleur glacier du monde ! Et une équipe formidable !}
{les cabines de bains, incontournable décor naïf des plages de l'Atlantique et des mers nordiques}
Quelles que soient les promesses (ou les menaces ?) de la météo, chaque matin
m'a vue enfoucher le vélo avec pour prétexte le pain frais du petit déjeuner.
Autant vous avouer que je ne suis pas experte dans le domaine. Les rares fois
dans ma vie d'adulte où j'ai pédalé, c'était en Normandie au milieu de champs
de blé (tout plat) en Chine à Pékin (tout plat aussi), à Amsterdam (raplapla)
et à Berlin (sehr flach). Là, affublée et lestée d'une coque enfant sur
le porte-bagages, je n'étais pas trop sûre de moi, donc le seul moyen de goûter
aux plaisirs de la bicyclette en toute tranquillité, était de partir dès 6h30
pour voir la plage ratissée et vierge de ses agressions nocturnes.
Ce billet s'arrête ici, mais vous ne vous en tirerez pas à si bon compte,
car un second est en préparation ! Avec une autre île, un exposition extra,
une rencontre attendue et délicieuse, un mini trésor de vide-grenier,
des roses encore, des livres, des souvenirs...
Mais je ne peux m'empêcher de conclure avec cette image volée au ciel
un soir au-dessus de la cour, un ciel où rêve désormais une adorable personne,
talentueuse, gaie, imaginative, bourrée de talent et de joie de vivre.
Elle s'appelait Catherine, et vous l'avez sans doute connue sour le nom de
artichaut d'argile.