Eloge du quotidien
L'été à Paris, c'est pour moi le quotidien retrouvé, les petits travaux
de maison, les rangements et les tris, la patience de faire
les choses jusqu'au bout, fenêtres ouvertes sur la ville bruissante.
Musarder au marché, tenter de tracer, où que j'aille,
un chemin vert au milieu des titanesques chantiers défigurant la capitale,
lancer des invitations d'amis de retour de vacances ou pas encore partis.
{cartes à planter et rubans @dentellesoxydées; serviettes en lin Fly; console Sostrene Grene;
bougie Kerzon; hirondelles et réglette @passageinterieur; couverts Zara Home;
nappe Monoprix; verres Beldi @mintandlilies}
Retrouver le plaisir de compulser mes innombrables livres de recettes,
établir un menu, vérifier qu'on n'a pas déjà servi ce crumble de saumon
ou cette tarte fine à la mangue dans le carnet d'invités, dresser
une jolie table le matin même pour éviter la panique de dernière minute.
{chocolats pâtisserie Sadaharu Aoki; Lierre @larbreparis}
Apprécier la délicatesse de leurs jolis présents avant de faire sauter le
premier bouchon d'un Vouvray délicieusement frais.
{affiche Petit Berge; coussins Little Bocal et Une fée d'Hiver}
Et puis l'été, c'est rafraîchir la maison en changeant les housses des coussins,
en distillant de douces effluves de lavandin, ylang, d'oranges sanguines,
et puisqu'on n'a pas de jardin de roses sous la main, l'innonder de
bouquets secs ramassés au gré des promenades, et qui survivront à tout,
même aux pires canicules.
{coussin lin rose Cyrillus; couronne et baguette Astrid Lecornu}
Préparer des desserts simples, des goûters, souvent plus pour le plaisir
de les faire que de les déguster !
{muffins aux pépites de chocolat; crumble pêches et fraises aux biscuits roses;
coupe sur pied chinée}
Ne surtout pas laisser passer les dates de l'exposition consacrée à Berthe Morisot
au Musée d'Orsay. Profiter de la gratuité des premiers dimanches du mois
et ne surtout pas se laisser impressionner par la foule bigarrée et multilingue
qui se presse sur le parvis : tout va très vite, un petit quart d'heure
de file d'attente, c'est tout, et Madame Morisot les vaut bien !
Ma mère, par son célèbre tableau du Berceau, m'avait fait connaître
cette artiste lorsque j'étais enfant et, déjà admirative de son trait
délicat et de sa palette subtile, je m'étais longtemps demandée
pourquoi sanctifier Manet, Cézanne, Renoir, Monet, et pas elle ?
C'est enfin chose faite avec cette superbe rétrospective d'une grande partie
de ses oeuvres. Si l'on peut déplorer l'académisme de l'accrochage et le manque
d'imagination au niveau de la scénographie, on ne peut que s'émerveiller devant
ces scènes de vie d'autrefois, la simplicité des gestes éternels des femmes
chez elles, la fraîcheur des carnations, la blancheur argentée des robes de bal,
les chevelures joyeusement emmêlées des enfants.
{jeune fille à la poupée}
{la jeune fille et le vase}
{Fille Rousse assise sous la Véranda}
Leurs minois sont ravissants, extrêmement stylisés mais si expressifs,
leurs positions naturelles. Sa représentation de l'enfance est,
mais ce n'est que mon avis, beaucoup plus subtile que celle de Mary Cassatt,
pourtant spécialiste dans ce domaine. Sa fille unique, Julie Manet,
fut très souvent son modèle.
{la fable}
Servantes, nourrices, bonnes, ces femmes de l'ombre ont connu de la part
de l'artiste une vraie reconnaissance, une magnification de leur labeur
quotidien, par ailleurs peu représenté à l'époque.
La "femme à sa toilette" ci-dessus, est particulièrement représentative
du style Morisot : la délicatesse du geste, la rondeur sans excès du bras
et de l'épaule, la fragilité de la nuque dévoilée par la chevelure relevée
couleur or, la nacre des blancs irisés de gris figurée par de larges
et nerveux coups de pinceaux, de lignes brisées, en font une oeuvre
absolument magnifique de grâce et de raffinement.
{Julie au violon}
"Il y a longtemps que je n'espère rien, et que le désir de glorification
après la mort me paraît une ambition démesurée. La mienne se borne à vouloir
fixer quelque chose de ce qui passe oh quelque chose ! La moindre ambition
des choses, eh bien cette ambition-là est encore démesurée ! Une attitude
de Julie, un sourire, une fleur, un fruit, une branche d'arbre,
une seule de ces choses me suffirait."
Berthe Morisot
{traditionnelle pause au café Campana, pour la rédaction des cartes}
Orsay, ancienne gare des départs vers Lyon et Marseille l'ouest de la France
(merci Freg !) à l'avènement des Chemins de fer, fut comme vous le savez
sûrement transformée en musée en 1986. Hors manifestations temporaires,
il vous offre de façon permanente, par son impressionnante collection,
une merveilleuse promenade au pays des Impressionnistes.
S'en souvenir les tristes dimanches d'hiver...