Cuisine et dépendances
Si l'on veut considérer les choses avec un brin de réalisme, nos ailes
atrophiées ne nous permettant pas les évasions convoitées, les
procrastinations n'ont plus lieu d'être. Comme, par exemple, trier,
classer et étiqueter l'administratif, ranger la partie haute
et si peu visitée des placards , se décider à mettre une pièce
au genou du jean chéri, et même, soyons fous, repeindre la cuisine.
{je refuse d'entendre que cette cuisine est de nouveau encombrée de choses inutiles...
Je me le dis assez souvent à moi-même...}
Celle-ci réclamait des soins depuis si longtemps qu'on aurait du en avoir
honte. Les dégâts des eaux du voisin du dessus, la pollution, les prises
bringuebalantes, la porte fendillée du placard, tout réclamait éponge,
lessive Saint-Marc, spatule, papier de verre, rouleau et peinture fraîche.
En attendant de se décider pour une refonte totale de ladite pièce,
avec meubles et agencements nouveaux, on est resté sur du sobre,
du blanc satin, et c'est comme si le soleil revenait dans la maison.
Vider entièrement la pièce de ses meubles et de leur contenu dans le salon,lessiver,
reboucher, poncer, enduire, poncer, et, enfin appliquer la première couche,
visible récompense des efforts accomplis, puis, les bras ballants,reconsidérer
tout ce qui en faisait le décor quotidien a quelque peu altéré ma bonne humeur.
{l'étagère au-dessus de l'évier me distrait pendant la vaisselle; fantaisies culinaires :
nounours guimauve faisant la planche sur crèmes au café; improbable gâteau dit "aux pâquerettes"}
Alors j'ai fait quatre cartons : à donner, à vendre, à jeter, à conserver.
Plaisir partagé à vider le premier, peu de succès pour le second, les sites
de ventes en ligne explosant d'offres en tous genres, pas de sentiments
pour le troisième, et finalement satisfaction de voir le contenu
du quatrième reprendre ses marques.
on se sépare difficilement des petits objets chargés d'histoire ou d'émotion :
les pots, les boîtes et les gri-gris s'accumulent...
rien à voir, mais j'en profite pour vous présenter ce drôle de bouquet
que l'on m'a offert, dont la couleur insolite tranche avec mes goûts
pour les teintes neutres ou pastel : les fleurs semblables à des coraux
sont des jatropha et celles en forme de mini tomates côtelées des
millepertuis androsème. Je laisse ces affirmations à l'appréciation des jardinières}
Un déjeuner pascal a récompensé les efforts consentis pour vivre pendant une semaine
dans un bric à brac innommable.
{en entrée oeuf mollet tout tiède sur une compotée d'échalottes;
le reste du repas n'a pas voulu poser]
Et pendant ce temps, au-dehors, le printemps s'installait doucement.
Oh rien à voir avec la brutalité des accès de fièvres tropicales de fin mars,
lesquelles furent suivies de quatre jours de gel meurtrier pour nos fruits
d'été et nos vignes légendaires, non, un vrai printemps encore un peu acidulé
en matinée, et triomphant à l'heure des promenades.
C'est précisément à une de celles-ci que je vous convie.
{Paris, loin des Champs-Elysées et de la rue de Rivoli}
Mais pour cela il m'a fallu monter dans le "Grand Nord".
Eh oui, les Parisiens se divisant en deux camps, Rive droite et Rive gauche,
rares sont ceux qui passent le Rubicon (en l'occurrence : la Seine)
pour se rendre de l'autre côté. Mais le quartier de la Mouzaia le vallait bien.
{par-dessus les clôtures, la végétation se fait la belle}
Encore une campagne à Paris me direz-vous ? Exact. Nous sommes sur les hauteurs
de la Butte de Beauregard. Blotties de part et d'autre des rues de Mouzaia
et David d'Angers, totalement invisibles aux yeux des motorisés de tout poil,
les ruelles et venelles s'alignent et s'enchevêtrent dans une heureuse discrétion.
Pavées et escarpées, elles se parent de charmantes maisons ourlées de jardinets
dont les fleurs ont une fâcheuse tendance à faire le mur, ou la clôture
c'est selon, pour notre plus grand plaisir.
Un air de piano s'échappe d'une fenêtre ouverte, mais aussi des rires d'enfants,
ceux de joyeux compères au-dessus d'un barbecue. C'est bien sûr pittoresque,
mais il faut supporter la vie en quasi communauté !
{volets à claire voie, murs limoncello : Nice ou Menton ?}
Les fantaisies architecturales nous donnent la sensation d'être allés au-delà
des 10 kms autorisés : ici on est en plein Midi, un peu plus loin en Forêt Noire,
encore quelques pas et c'est la Normandie toute en colombages et glycine exubérante.
Rien de Disneyland cependant. Les agencements sont un peu foutraques, et le style
très personnel, ce qui en fait toute la singularité et l'extravagance.
Très bon week-end à toutes et tous.
N'oubliez pas demain les brins de muguet.
On a tous tellement besoin d'un peu de bonheur en ce moment.