L'été pacifié
La vie ici passe avec la douceur d'une caresse sur le pelage d'un chat.
Elle glisse, s'attarde, fait une pause, semble ne jamais vouloir quitter
la tiédeur du vivant, retient le temps. J'ai quitté la grande ville lorsque
les portes de notre liberté conditionnelle se sont ouvertes, pour rejoindre
le sud, où j'ai mes habitudes maintenant.
{La plage au sable grossier, certes, mais tiède... Berlingot, à l'ombre dans la chambre,
ne bronzera pas cet été...Lecture, ou plutôt relecture... De jolis mots sur la façade
de la chapelle Saint François, désaffectée semble-t-il... et les gouttelettes fragiles
de l'euphorbe pour le premier bouquet des vacances}
Ces quelques jours de vacances n'ont-ils pas un goût particulier cette année,
un goût de merveilleux, d'insolite presque, d'inespéré ?
Connaissant déjà bien la région, je m'adonne à ne rien faire avec un sérieux
admirable. La plage le matin, et repli de serviette dès que le bruit des voix
couvre celui de la mer. Lecture à l'ombre. Dans le jardin, taille de haie,
nettoyage des feuilles craquantes, arrosage vespéral. L'hibiscus
est farceur, il produit des pavillons tantôt roses, tantôt blanc crème,
ou parfois les deux, comme une glace vanille-fraise.
{Les immortelles de la Promenade Rouvier; le port très tôt le matin}
Mais je crois bien que ce que je préfère, et n'y voyez aucune prouesse
de ma part, c'est me lever à 5 heures et demie, enfiler une robe courte
et des Tropéziennes, et marcher vers le port admirer le lever de monsieur
Soleil en attendant l'ouverture des Délices de Marius, le boulanger,
qui fait des sacristains à se damner.
Faisons le plein de couleurs, d'odeurs, de saveurs, c'est le moment ou jamais.
Stockons dans notre mémoire visuelle, gustative et olfactive tout ce qui nous
est offert ici de façon si naturelle. La voisine nous a donné de quoi faire
la tisane du soir. Sur le chemin qui mène à la...poubelle, on croise des
lauriers roses, des oliviers, des bignones, du jasmin, des ipomées,
des citronniers, des plumbagos, des bougainvillées.
Paris est si loin.
{pointes de rouge : sur la cheminée ancienne, dans la corbeille de cerises, sur les jupes
et les corsaires des petits Saintjeannois lors de la fête au village,
dans les branches de la "flamme australienne" de Beaulieu}
A Saint-Jean Cap Ferrat, le solstice d'été est très fêté, Jean étant
leur "saint patron". Partout dans le village, flottent les drapeaux
jaunes et bleus, on entend les fifres et les tambourins, de beaux enfants
défilent en costumes, le maire offre l'apéritif au Théâtre sur la mer,
et l'on suit, amusés, la procession aux lampions de l'avenue des fleurs
jusqu'au Vieux Phare, ou la bénédiction en mer par un curé un peu fantasque.
{les cerises sont devenues clafoutis; lisez ce livre, conseillé par Sophie :
un bijou d'humour anglais ! Berlingot ne sourit jamais sur les photos,
mais au fond de lui il exulte, si si...
cette photos de la promenade du Cap au couchant, je l'ai prise au moment
où Pierre Niney, en bermuda jaune citron, quittait les lieux, portable greffé à l'oreille;
lauriers et impomées, fleurs du quotidien}
{à Nice, je prends la photo de ce dandy systématiquement chaque année ! Dans le jardinet,
le grenadier a beaucoup souffert du manque de soins pendant le confinement,
mais nous offre malgré tout de jolies fleurs un peu chiffonnées du plus bel orange;
détail d'une villa sur la promenade Rouvier}
Je jette un œil consterné à la météo nationale, pour y découvrir une France
zébrée de pluies et grelottant sous 15°...Difficile à imaginer ici alors
que chaque matin qui se lève est une invitation à la douceur et à la légèreté.
{dénichés aux Puces par la propriétaire de la maison, qui est aussi une amie, une nature morte,
des gobelets photophores, un cache-pot émaillé}
Plus la vie devant soi semble un chemin court et parfois escarpé, infiniment
précieux seront les moments de grâce dérobés au temps, aux turbulences
et aux calamités. Bel été à tous.