En Puisaye
Evoquer une personne brillante n'est jamais un exercice facile, car quoi
que l'on fasse, quoi que l'on dise, on ne sera jamais à la hauteur. Tant pis,
pour vous ou pour moi, je ne sais pas, mais je me lance pour vous parler de Colette.
{la belle façade de pierre blanche de sa maison natale, sise rue...Colette
à Saint Sauveur en Puisaye}
Sidonie-Gabrielle naquit dans la paisible bourgade de Saint Sauveur en Puisaye,
au sein d'une famille totalement atypique et beaucoup trop fantasque aux yeux
des villageois. Père "pas d'ici" d'origine toulonnaise, ancien zouave
et unijambiste, mère féministe, érudite, laïque à une époque où la plupart
des femmes étaient placées sous le joug de monsieur-le-curé, la demoiselle
semblait déjà promise à un destin peu ordinaire.
{un peu partout dans le village, ces plaques de céramique sont apposées
pour célébrer leur illustre native}
Restaurée en 2016, sa maison natale nous invite en toute simplicité à poser
nos pas dans les siens. J'avoue que les émotions m'ont gagnée en y pénétrant.
Je revivais mes lectures adolescentes, au temps des Claudine que je dévorais
jusque tard dans la nuit à la lampe de poche. Ayant subi des fortunes plus
ou moins heureuses, il ne reste que peu de meubles et d'éléments datant de
son époque. Les décors ont donc été minutieusement reconstitués d'après les
très précises descriptions qu'en a fait Colette tout au long de sa vie
dans la plupart de ses ouvrages.
{la cuisine, petite, fonctionnelle, est ouverte sur le jardin; la chambre de Colette,
qui fut longtemps celle de sa demi-sœur aînée Juliette, avec détail du papier peint}
"Maison et jardin vivent encore je le sais, mais qu'importe si la magie
les a quittés, si le secret est perdu qui ouvrait, -lumière, odeurs, harmonie
d'arbres et d'oiseaux, murmure de voix humaines qu'a déjà suspendu la mort,
- un monde dont j'ai cessé d'être digne ? Il arrivait qu'un livre, ouvert
sur le dallage de la terrasse ou sur l'herbe, une corde à sauter serpentant
dans une allée, ou un minuscule jardin bordé de cailloux, planté de têtes
de fleurs, révélassent autrefois, dans le temps où cette maison et ce jardin
abritaient une famille, la présence des enfants, et leurs âges différents.
Mais ces signes ne s'accompagnaient presque jamais du cri, du rire enfantin,
et le logis, chaud et plein, ressemblait bizarrement à ces maisons qu'une fin
de vacances vide, en un moment, de toute sa joie. Le silence, le vent
contenu du jardin clos, les pages du livre rebroussées sous le pouce
invisible d'un sylphe, tout semblait demander : "Où sont les enfants ?"
{dans la chambre de Sido et du Capitaine, délicatesse des rabats de draps brodés,
et du papier peint réalisé à la planche}
L'idée d'un musée consacré à sa mère germa longtemps dans la tête de Bel-Gazou,
fille unique bien- mais sans doute mal -aimée. Disparue prématurément, elle
ne fut donc pas en mesure de concrétiser son projet, lequel fut repris par
des héritiers par alliance, et installé à quelques pas de là, dans le château
de Saint-Sauveur, belle bâtisse quoiqu'un peu austère, flanquée d'une tour sarrasine.
{Une scénographie somptueuse met en valeur la vie de Colette dans ce musée situé au coeur
d'un immense parc où nous pique-niquerons de petits fromages, de pain et de tomates
achetés au marché le matin même}
Les vastes pièces inondées de lumière se prêtent magnifiquement à l'évocation
d'une vie hors normes. Dans l'une on peut écouter des extraits de son oeuvre
dits par de grands comédiens. Dans l'autre on admire sa collection de sulfures.
Son appartement du Palais-Royal y est minutieusement reconstitué,
et dans la majestueuse cage d'escalier, son regard magnétique projeté
au fil du temps vous suit à chaque marche gravie, ponctuées en lettres
dorées des titres de ses romans.
{crayonné de son appartement parisien}
Rien à dire de particulier sur le village. On sent cependant, contrairement
à d'autres, le frémissement d'une ouverture vers le tourisme, et ce n'est pas
un gros mot, car il favorise le développement et la renaissance de régions
injustement mises à l'écart des grands circuits habituels. Une charmante brocante,
une librairie un peu déjantée (pour ceux et celles qui connaissent, tout à fait
le style de la Shakespeare Library à Paris) quelques restaurants, un mignon
salon de thé, de belles maisons entretenues, Saint-Sauveur sera sauvé...
"Tout est encore devant mes yeux, le jardin aux murs chauds, les dernières
cerises sombres pendues à l’arbre, le ciel palmé de longues nuées roses,
– tout est sous mes doigts : révolte vigoureuse de la chenille, cuir épais
et mouillé des feuilles d’hortensia, – et la petite main durcie de ma mère."
{la fenêtre de la cuisine de la maison de Colette, donnant sur le "jardin d'en haut"}
Continuons le périple en remontant vers le nord, et voici Noyers sur Serein.
Qu'est-ce qu'on aime ces jolis noms donnés dans nos belles provinces,
et ce n'est pas ce qui manque dans la région : Entrains sur Nohain,
Trucy l'Orgueilleux, Saint Aubin des Chaumes...
Ne nous faisons pas remarquer, et prononçons bien "Noyères" comme ici.
L'intégration commence par la sémantique. Vient ensuite le sourire,
le regard vers une façade insolite, et voici que le propriétaire de cette belle
galerie d'art nous explique patiemment son histoire, celle de la ville
et de ses coutumes. Nous irons aussi visiter son épouse, artiste peintre,
dans son atelier donnant sur une petite terrasse baignée de lumière.
{à Noyers sur Serein, on protège les arcades des petits tracas provoqués
par mesdemoiselles hirondelles, fort nombreuses ici !}
On repart avec quelques bonnes bouteilles, des gougères toutes fraîches, que l'on
va déguster le soir à la maison. Je ne résiste d'ailleurs pas au plaisir
de vous montrer d'autres photos du gîte, où je me sentais tellement chez moi.
Comme nous l'a précisé son propriétaire, l'ensemble des maisons articulées autour
d'une cour centrale, était à l'origine un corps de ferme totalement délabré.
Il a donc fallu beaucoup de courage, de temps, de créativité et, bien sûr, de
moyens, pour en faire ce que c'est devenu. Rien ici ne sent la contrefaçon,
le paraître, la parodie. J'aurais presque pu me croire chez mes grand-parents,
dans ce hameau brut de décoffrage perdu au milieu des grées morbihanaises.
{la piscine : seule concession que certains trouveront un peu "bling-bling",
mais si vous venez en vacances par ici avec des enfants, vous bénirez sa présence !
La coiffeuse et son Pierrot rêveur dans la chambre que j'occupais;
un détail de la salle de petit déjeuner côté chambres d'hôtes}
La région est truffée de masures à vendre, à des prix inimaginables pour
une parisienne, mais nécessitant des travaux incommensurables et, mais
c'est mon point de vue, décourageants. Une fois de plus je me pose la question,
est-ce vraiment ici que j'aurais envie d'installer tous ces meubles anciens
qui dorment chez ma mère, mon piano, mes vieux trucs rouillés, ma collection
de paniers et autres accessoires de bobo grisée par la vie à la campagne ?
{petit butin : une série de boîtes en fer blanc, des verres et quelques assiettes}
On ne va pas en région sans écumer les vide-greniers. A défaut d'en trouver
proches du village, je me suis rabattue sur la Ressourcerie de Clamecy :
une mine ! J'ai résisté à tout, mon appartement parisien étant plein comme
un oeuf, sauf à quelques bricoles qui s'avéraient sans doute indispensables !
(là, vous avez le droit de vous moquer...)
{détail de la salle de petits déjeuners des chambres d'hôtes}
{tout au fond, derrière la rambarde, vous pouvez apercevoir la maison des Compagnons,
une "Tiny house" parfaite pour une retraite en solitaire ou à deux}
Tout comme avec les fruits d'été on fait de belles confitures, mettons aussi
en bocaux les souvenirs de ces moments uniques, si particuliers.
Lorsque l'étagère sera chargée, et l'hiver venu, quel ne sera pas notre plaisir
d'ouvrir délicatement les couvercles des conserves de nos beaux étés...
Voilà à quoi servent aussi les blogs.
Quelques adresses :
*Le domaine des carriers : gîtes et chambres d'hôtes à Chevroches (58)
* La maison de Colette à Saint-Sauveur en Puisaye (89)
* Le musée Colette à Saint-Sauveur en Puisaye (89)
* La Galerie Toison d'Or : galerie et atelier à Noyers sur Serein (89)
* Les oiseaux de nuit : librairie salon de thé à Saint Amand en Puisaye (58)
*La Ressourcerie : vide-grenier permanent à Clamecy (58)
*La petite faune de Vézelay : pour venir en aide aux chats libres à Vézelay (89)
* musée d'art et d'histoire Romain-Rolland : (ne pas rater l'expo Charles Loupot) à Clamecy (89)