Comme un conte de Noël
Cette année, j'ai décidé de croire au Père Noël. Sans doute
dois-je ce sursaut d'angélisme au contexte actuel. Lorsqu'on avance
dans le brouillard, la moindre petite lumière, fut-elle artificielle,
vous semble être celle de l'espoir et du réconfort.
{A Riquewihr, au fil des ruelles, on a tout simplement l'impression de feuilleter
un album de contes pour enfants sages...}
Les lutins, les rennes, les bonnets rouges à pompon, les cannes de sucre
d'orge et tout ce qui fait le decorum outrageusement kitsch de Noël,
j'étais sûre de les trouver en Alsace.
La nuit venait de tomber sur Riquewihr à notre arrivée tardive, le GPS
ayant décidé, suite à un encombrement jugé par lui-même d'apocalyptique
sur l'A4, de nous faire emprunter des chemins vermicelles ourlés de congères
à travers la forêt vosgienne où chaque arbre nous semblait receler une horde
de mouflons et de sangliers prêts à se jeter sur le capot de la voiture.
Après l'installation dans un confortable hôtel encore un peu dans son jus,
avec une suite sous les toits découverte au terme d'une véritable escalade
de marches en spirales que nous avons achevée à quatre pattes tant elles
étaient hautes et serrées, direction le premier restaurant encore ouvert venu.
{Détail de l'armoire de notre hôtel à Riquewihr; Riquewihr au petit matin, encore calme;
détail du restaurant Le caveau d'Eguisheim : j'adore ces chaises ! Un gîte à louer :
peut-être une prochaine fois ?}
Note aux végétariens, végétaliens et autres vegans : passez votre chemin,
vous ne trouverez rien ici pour vous sustenter, à part quelques mannele
en pain d'épices, mais à la longue cela risque d'être un peu écoeurant.
L'Alsace partage avec la Bretagne le record de l'assassinat de
petits cochons qui se retrouvent dans votre assiette sous forme de lardons,
jarret, saucisses, palette, etc. Ce fut donc très compliqué pour nous
de se nourrir, et nous avons absorbé des flammeküche au Munster pendant
quatre jours, sauvées par notre adoration pour ce fromage (Marie-Noëlle,
saute ce paragraphe ;-)
{joli emblème d'un hôtel d'Eguisheim.Des tags comme celui-ci, je suis pour...}
Riquewihr, Kaysersberg, Eguisheim, Turkheim, ces villes à consonance germanique
nous rappellent qu'elles furent parfois allemandes. Le délicieux et célébrissime
illustrateur Jean-Jacques Waltz, né à Colmar, plus connu sous le nom de Hansi,
fut un ardent défenseur de l'identité française, et son œuvre ne se résume
pas aux jolies alsaciennes à coiffe papillon portant une poterie vernissée
surmontée d'un kouglof. Les divines aquarelles réalisées dans sa maturité
en sont d'ailleurs la preuve. Nous aurons l'occasion de découvrir son histoire
dans le musée qui lui est consacré, rue des Têtes, dans sa ville natale.
{Ne pas se laisser impressionner ou décourager par le côté Eurodisney de la boutique
du musée Hansi : monter plutôt à l'étage admirer ses subtiles aquarelles !}
{Entre deux magasins de cigognes en peluche, tomber sur de ravissantes brocantes !}
Mes goûts en général se portent vers les teintes sourdes, mais ici,
foin de déclinaisons de blancs, bis, beiges, si chics, rehaussés
par la pointe de vert qui va bien. La couleur est dominante, insolente,
et malgré moi j'emmagasine ces bleus vifs, verts mousse, jaunes safran,
rouges géranium et violets ardents qui illuminent les façades pour
m'en fabriquer de jolis souvenirs de retour à Paris.
A Eguisheim, chaque demeure de la rue des Remparts s'orne d'une crèche,
un peu bricolée, humble ou fantaisiste, et l'on s'amuse à les compter.
Colmar, c'est déjà la grande ville, mais nous réduirons notre périmètre autour
du quartier ancien. La fameuse Petite Venise découverte tôt le matin invite
à la rêverie, tandis qu'une force irrésistible nous incite à pousser la porte
des salons de thé, ou repérer un superbe restaurant où il doit faire bon
de dîner les soirs d'été au bord de la Lauch.
{Les restaurants du bord de l'eau à Colmar}
{Un thé de Noël pour moi s'il vous plait. Accompagné d'un bredele aux épices...}
Il reste encore sur l'album quelques pages à tourner. Celles parfumées
à la cannelle, celles qui exhalent ces effluves un peu doucereuces de
pâte d'amande et d'épices poivrées, celles qu'on tourne les doigts
poisseux de christstollen. Si la plupart des maisons ici ressemblent
à celle de la sorcière d'Hansel et Gretel, ce n'est pas pour rien !
Il existe sans doute mille recettes de kouglofs, transmises de mère
en fille. A défaut de racines alsaciennes, on se rabat sur celle
déchiffrée sur une adorable carte signée Guy Untereiner.
{Hansi, Guy Untereiner, deux grands noms au service de l'imagerie alsacienne}
Voilà. Je referme l'album de contes de Noël. Je sens chez vous, si toutefois
vous êtes parvenus au terme de ce billet, une légère indigestion de façades
à colombages et d'oursons perchés. Je ne vous en voudrai pas, et pour preuve,
je vous souhaite de bien jolies fêtes.