Le temps des vacances
S'offrir le luxe de partir avant les autres, c'est aussi accepter la déconvenue
de revenir lorsque eux partent. Mais quelle importance quand, même déjà sur
la route du retour, on a encore la tête dans les dunes, ou en forêt, le cœur
aussi doré que la peau, les bagages pleins de ces petits riens qu'on est
impatient d'offrir à ceux qui sont restés, ou qu'on s'est offert et qui
resteront à jamais l'image même de cet été là.
{j'ai appris que ces délicieuses frises de bois qui tombent des toits des villas s'appellent
des lambrequins; petit coin de notre maison pour deux semaines de break absolu; ciel andernosien}
Tout le monde connait l'adage taquin qui affirme qu'en Bretagne, il fait beau
plusieurs fois par jour. C'est peu dire qu'il s'adapte parfaitement à ce littoral
situé un peu plus bas sur la côte ouest, autour du Bassin d'Arcachon.
La petite maison louée avait le charme absolu des villas de bord de mer
des années 50, avec son porche arrondi, sa toiture asymétrique, sa plaque
d'identité en lettrines colorées(ici : "Malgré tout")son parfum à la fois
âcre et sucré dès la porte d'entrée (qui grince, cela va de soi) poussée.
{détails de la maison, très "dans son jus"; teatime au jardin et dégustation de macarons
de Montmorillon suite à la halte à Poitiers; ma chambre, fleurettes anglaises,
tableau et lampe de guingois}
Certes, Andernos-les-Bains sonne moins chic qu'Arcachon, mais c'est sans doute
précisément ce côté parfois un peu désuet, le calme quasiment palpable des rues
aux jolis noms ourlées de maisons basses aux volets prune, indigo, citron,
les petites boutiques chiffe-tire sur les allées qui mènent à la plage,
-et quelle plage ! qui m'ont séduite.
Ici, on vit le moment, parce qu'il est précaire, donc précieux. Le mouvement
des marées rythme les journées dont on se garde bien de prévoir l'ordonnance.
Les plages qui n'en finissent jamais n'ont avec le ciel aucune démarcation
visible, et leurs couleurs mêlées de bleus, de beiges irisés et de blancs
nacrés sont des créations exclusives du jour, qu'on n'avait pas la veille,
et qu'on n'aura plus le lendemain.
Si le matin on en vient à regretter en frissonnant la chaleur de la Méditerranée,
à laquelle on s'était un peu mollement habituée depuis quelques années, voici
que l'océan vous rappelle à l'ordre à coups de langues d'écume. Où est passée
la témérité de mes six ans, lorsque je me jetais dans les vagues de
Saint-Brévin-les-Pins, pourtant bien plus au nord sur la carte ?
{la promenade du soir, un pur bonheur}
Chantal Thomas, arcachonnaise revendiquée, en parle tellement mieux que moi :
"l'océan a une dimension tragique, cela fait partie de sa beauté,
de l'effroi de sa beauté"
{une cabane ostréicole, parmi tant d'autres; l'intérieur de l'église St Eloi;
récolter ses propres petits pignons ! Et l'épicerie bio où l'on trouve aussi des fleurs}
La mer est si lointaine sur le rivage du Betey qu'on se demande parfois si elle
existe encore. Baignade impossible. Alors balades ! Et elles ne manquent pas.
On pousse vers les drôles de petites cabanes sagement alignées qui proposent
aux amateurs, dont je ne fais pas partie, des huitres fraîchement pêchées.
{l'église Saint Eloi}
Un peu en retrait et face à la mer, blottie dans la pinède, l'église romane
Saint Eloi, d'une absolue simplicité, accueille aussi des festivals de musique,
des spectacles, des expositions d’art. Profiter de l'aubaine pour ramasser ces
énormes pommes de pin gorgées de cosses de pignons, et, une fois à la maison,
s'amuser à les casser au galet pour en extirper les précieuses graines.
Elles seront parfaites, torréfiées, sur la salade de tomates au basilic.
{dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'engouement pour les bains de mer explose, auprès
d'une clientèle aisée et cosmopolite : de ceci date la vraie naissance d'Arcachon;
création des banquiers Pereire, la Ville d'hiver regorge de jolies villas colorées}
Est-il nécessaire d'avoir lu Chantal Thomas pour tomber sous le charme d'Arcachon ?
Sans doute pas, mais j'avais pris soin de prévoir ce livre dans ma mallette de
lecture afin de mieux m'imprégner de l'esprit arcachonnais.
{une lecture qui a du sens ; la jetée Thiers; la boutique de parfums "l'Ecume d'Arcachon";
les Dunes Blanches, une tuerie locale; boutique Yaya, un baume pour les yeux en regard des
couleurs criardes qui sévissent dans la mode de cet été; une gentille philosophie
sur la devanture de "La cabane"}
La ville aux quatre saisons n'a certes pas besoin de publicité pour connaître
le succès. La belle vous saisit dès l'entrée en ses murs, par une superbe
allée bordée de platanes, puis, une fois la voiture garée, par ses rues escarpées
le long desquelles s'alignent les villas d'un autre siècle. On monte encore un peu
dans les hauteurs, et nous voilà perdues dans les pins, les chênes et les arbousiers.
Un calme étrange, à peine troublé par les rires lointains d'une famille de cyclistes,
se fait palpable. On redescend par le Parc mauresque, puis nous voici dans les rues
commerçantes, pimpantes, qui rejoignent la mer tout là-bas. On croque un panini
directement sur le sable, au pied de la jetée Thiers.
Comme j'ai aussi envie de vous parler des cabanes du port de Biganos, de la Pointe
aux Chevaux et du phare du Cap Ferret, de Bob et de Sully, je vous donne
rendez-vous pour un second petit billet.