Cet été-là
On loue la fin de l'hiver qui va laisser place au printemps.
On salue la fin du printemps qui ouvre ses fenêtres sur l'été.
On parvient même à se réjouir de la fin de l'automne puisqu'elle
annonce fébrilement le top départ des fêtes de fin d'année.
Mais qui peut avoir envie de célébrer la fin de l'été ?
Une vieille rengaine très fleur bleue me revient en mémoire.
{les figues du jardin maternel ont bien résisté au manque d'eau : petites, mais si savoureuses ! J'affectionne par-dessus
tout ces couleurs liées aux premières fraîcheurs : les grenat, les vermeil, les roses passés, les pourpre...
les hortensias bretons ont joué le jeu eux aussi; objets brocante familiale}
, Il y est question de plage, de soleil et de baisers. Un été adolescent en somme.
Qui se recroqueville avec les premières feuilles roussies et les émois ternis.
Pour nous, grands adultes revenus de tout cela, la fin de l'été c'est le vent
turbulent qui s'invite et met un pied dans la porte, ce sont les soirées
à douceur de petite laine, les corvées procrastinées agitant avec
entêtement leur urgence, pour certains le stress de la rentrée scolaire.
{"ma" plage, à 6h du matin}
{la criste-marine pousse en abondance sur la promenade un peu escarpée du bord de mer,
et je résiste à la tentation d'en "prélever" pour faire un joli bouquet}
Le passage du relais ne se fait pas toujours en douceur. L'humeur automnale
a quelque chose d'intime, de très personnel. On convoque les images de livres
de leçons de choses pour appréhender les journées de plus en plus courtes :
les pommes dans un cageot, les bruyères en pot devant la vitrine du fleuriste
les premiers marrons dans le square, l'orange intense des épaisses soupes
de courges, c'est peut-être cela qui aide à oublier qu'automne en anglais
se dit - aussi- "fall", et que malgré sa ronde sonorité, ce mot présage
quelque chose qui ressemble un peu à une plongée mélancolique.
Mais faut-il vraiment regretter cet été-là ? Ce sera celui dont on se
souviendra comme d'un avertissement, une semonce face à nos comportements
légers, nos gestes imbéciles. Un été de guerres, de feu, de suffocation.
Et comme l'humain, c'est sa nature, ne tire jamais profit des bonnes leçons
qu'on lui donne, gageons que l'été prochain sera sans doute le même. En pire.
Oh mais je sens de votre part comme une furieuse envie de refermer ce billet
pour passer à autre chose. Alors vite, fouillons dans nos souvenirs encore
tous frais, parlons de petits matins sur le port, de fougasses
tièdes, de soirées sous les étoiles, de lectures ** dans le sable,
du souffle d'une robe bleue océan, de l'enivrant parfum des pinèdes,
{à chaque heure sa boisson : café à 8h, Spritz à 20h }
de cailloux brossés par la mer, des volets verts qui s'ouvrent sur un oranger,
du ventre blanc des mouettes au-dessus du jardin, des rêves de mon chat,
des repas qui s'éternisent sous la lune, des crapahutages
dans les ruelles endormies d'Eze ou Mougins à l'heure de la sieste,
{vue de ma chambre sur les oranges encore vertes; explosion de plumbagos et de thunbergia au jardin;
clin d'œil pour toi Marie-Noëlle; chat serein; un peu d'écriture pour le souvenir}
des rêveries yeux clos mais sens en éveil, des parfums de crèmes glacées
parfois follement drôles, de mille choses quotidiennes qui semblent
prendre toute leur valeur lorsqu'on s'y arrête un peu.
{Eze, perché, feint le sommeil entre ses épais murs de pierre; j'ai fait un modeste don pour que
l'église ND de l'Assomption, rongée par l'humidité, retrouve son bel éclat}
{Mougins, pépite nichée dans l'arrière-pays cannois, un peu trop village-musée parfois, mais tellement beau,
non dénué d'humour, et si paisible lorsque le soleil décline derrière ses toits de tuile rousse;
c'est aussi l'heure des chats, que je pourrais photographier à l'infini}
{quelques jolies portes mouginoises; on suppose qu'Alfie, vue sa bouille, n'est pas si féroce...}
Oui, parlons de tout cela et des plaisirs même s'ils ne font pas oublier
la peur, de la fantaisie qui lutte à armes inégales avec le chagrin,
de l'espérance, des illusions qui ne sont pas toutes faites pour
être perdues, et de la joie d'être vivants.
{île Saint-Honorat : deux cormorans se demandant si ce goéland ne va pas leur barbotter leur pêche du jour}
* mon été fut aussi celui des lectures abondantes et pour certaines, captivantes.
J'essaierai d'en parler dans un autre billet.