C'est (presque) le printemps
J'aime bien commencer mes billets par des fleurs. Une façon comme une autre
de vous dire bonjour, à vous qui passez là. Elles sont mon unique jardin.
Les fleurs coupées ont mauvaise presse, à raison, lorsqu'elles sont importées
du bout du monde, gavées de pesticides, mettant en danger la santé de ceux
qui les récoltent, alors je m'attache à fréquenter ces petits fleuristes
de quartier, leur production locale, souvent modeste mais divinement mise
en scène me suffisant largement.
{renoncules de la boutique "L'arbre" rue du Cherche-Midi; contrairement aux chocolats, chez moi l'espérance de vie
des macarons est très brève; cette affiche, souvenir d'une belle visite ICI}
Pour vous aussi, cet extrait d'un texte du poète anglais Francis Thomson,
lu quelque part, soigneusement recopié dans un de mes petits carnets fétiches :
"Toutes choses proches ou lointaines d'une manière cachée sont liées les unes
aux autres par une puissance immortelle, en sorte que vous ne pouvez cueillir
une fleur sans déranger une étoile."
{les branches de cognassier du Japon ont été prélevées au jardin maternel; j'essaierai désormais de déranger
le moins possible les étoiles, mais sans jardin comment faire ?}
Le printemps se moque des chagrins de l'hiver, du vide insondable laissé par
l'absence, il fait son petit travail de printemps, et s'emploie, le gosier
un peu sec, à ce que l'herbe verdoie et le soleil poudroie. Un rayon sur le
dosseret du canapé et me voilà en joie, prête à cuisiner, en toute modestie,
des tartes aux légumes, des compotes, avec le contenu du "panier à 2€"
du primeur de la rue Daguerre.
{recette improvisée, inspirée par celles de Miss Maggy's kitchen}
L'esprit chine m'ayant revisité, je hante de plus en plus les ressourceries.
Par un curieux phénomène de vases communicants, j'y dépose et j'y recueille,
ce qui induit que mes velléités d'épurement se heurtent au coups de cœur,
comme ces adorables mini bols en terre de fer, cette poule couveuse
en verre moulé, entre autres...
{ceux qui avant moi, auront résisté à ces jolis tout petits bols, m'auront permis de les acquérir, merci}
Lorsque ma petite Nantaise de Suzanne monte à Paris pour les vacances,
je m'efforce de lui montrer tout ce qui en a fait son histoire, et Montmartre
en fait indéniablement partie. Les escaliers de la Butte ne sont plus aussi
durs aux miséreux *, et accueillent par milliers des touristes, dont les
références commencent et s'arrêtent à Amélie Poulain.
Place du Tertre, ma jolie Bouclette, muse enfantine des artistes de
tout poil, s'est fait arrêter à chaque pas, et il a fallu lutter pour
qu'elle résiste aux alléchantes propositions de portraits - Grand-mère
te dessinera dès notre retour à la maison - avant de rallier l'exquis
petit Musée Montmartrois.
{dans l'appartement de Suzanne Valadon, on retrouve un peu l'esprit déco d'aujourd'hui, et cette tendance
artiste et disparate, les meubles désassortis, le papier peint d'inspiration William Morris, mais le plus émouvant,
c'est sans doute la chambre du petit Maurice (Utrillo), son fils unique, avec son ours et son petit lit à barreaux !
Et puis La Maison Rose, passage obligé !}
J'avais déjà posté un billet ICI sur cet endroit, donc je me contenterai de
rappeler qu'il abrite les anciens appartements et l'atelier de Suzanne Valadon
- une autre Suzanne célèbre en dehors de toi, ma chérie- et en quelques pièces
raconte l'histoire du Montmartre populaire et artistique.
{le charme, devenu fort couteux, d'anciens quartiers pauvres et insalubres, inspire depuis les amateurs de selfies
et les nostalgiques}
Ce Montmartre défunt ne devait pas sentir meilleur que les rues de Paris
en ce moment. La grève des éboueurs met tragiquement en avant notre
société consommatrice de produits suremballés, dénonce l'incompréhensible
gâchis de nourritures encore intactes, révèle, dans les innombrables scènes
de saccage des ballots de plastique, une pauvreté silencieuse, inattendue,
mais effroyablement banale.
Le printemps arrive dans deux jours, et lorsque vous lirez ce billet, il sera
probablement déjà là. Que de rêves, de désirs et d'espérances cette saison nous
semble chargée ! Mais que la vue d'une simple pelouse constellée de pâquerettes,
du laser d'un rayon de soleil le matin à travers les persiennes, l'écoute des
premières mesures du Printemps de Vivaldi puissent vous émouvoir, c'est déjà cela.
♥
* La complainte de la Butte/ Paroles de Jean Renoir, musique de Georges Van Parys,
interprétée, entre autres, par Cora Vaucaire