Amsterdam-Haarlem
Jamais les photos ne pourront restituer l'incroyable atmosphère qui nimbe
la plupart des tableaux de Vermeer. La magie semble née de ses pinceaux
et sa palette contenir toutes les ombres et lumières que le ciel,
si changeant en ces contrées, peut faire naître.
{"Vue de Delft", réalisé l'âge de 28 ans)
Le tableau ci-dessus, "Vue de Delft" œuvre de jeunesse de l'artiste,
aurait été qualifié de "plus beau tableau au monde" par Marcel Proust.
C'est un des premiers que l'on peut admirer en entrant dans l'exposition,
en toute cohérence puisque l'accrochage respecte l'ordre chronologique.
Très vite les paysages cèdent le pas aux scènes d'intérieur, dans lesquelles
la fenêtre aux vitres cathédrale à petits carreaux joue un rôle prépondérant,
toujours située à gauche. Qu'elles lisent ou rédigent une lettre, jouent
d'un instrument, se toilettent ou préparent un repas, les femmes de Vermeer
quêtent la clarté, parcimonieuse plus de six mois de l'année dans ces froids
pays d'Europe septentrionale.
{les femmes sont un sujet de prédilection pour l'artiste; les représentations de femmes enceintes, comme celle-ci
intitulée sobrement "la femme en bleu lisant une lettre" sont inédites à l'époque}
Les tissus eux aussi ont une existence quasi charnelle. Les velours appellent
la caresse, les plis des soies cassent sous la lumière, la bure rappelle à quel
point il fallait se protéger lorsqu'on effectuait les travaux domestiques.
Lorsqu'on s'approche très près pour observer la tenue de notre chère Laitière,
dont l'effigie si familière orne les rayons frais des supermarchés,
on découvre la grossièreté des coutures du corsage ajusté, la rugosité
du tablier, la raideur de la coiffe empesée. Tout simplement magnifique.
{"La dame buvant avec un gentilhomme"}
Afin de mettre en valeur cette exposition, les scénographes ont opté pour
une sobriété toute en retenue : des murs peints mats, proches des harmonies
poudrées que l'on voit dans les nuanciers de Farrow & Ball, associés à de
lourdes tentures de velours épais, qui incitent au chuchotement, à
l'admiration silencieuse et respectueuse.
{ce portrait magnifique, que j'ai longtemps pris comme étant celui d'un jeune homme,
est en fait celui d'une jeune femme !}
Repus de toute cette magie, nous voici savourant un repas aussi sain que bon
chez La Place *, sorte de cantine surdimensionnée aux belles tables (nous avons
choisi une de celles donnant sur un canal, évidemment...) puis arpentant les rues
bondées à la quête de quelque souvenir pour la famille, enfin reprenant notre
train de banlieue avec déjà l'assurance tranquille des amsterdamois de souche.
A ce sujet, la langue ici n'est pas vraiment un obstacle, si vous parlez à peu
près l'anglais, et j'avoue que mes rudiments d'allemand seconde langue
m'ont aussi bien aidée.
C'est fou les bêtises sur lesquelles on craque lorsqu'on se retrouve dans la peau
d'un touriste... Miffy est un petit lapin aussi populaire ici qu'Idéfix ou Milou
chez nous. On le retrouve décliné de mille façons, et pourquoi pas en porte-clés,
aux couleurs des "Tournesols" de Vincent Van Gogh ?
Le lendemain, le soleil revenu, quel bonheur de découvrir ce petit bijou de ville
qu'est Haarlem *! Jour de marché, week-end de Pâques, la foule est au rendez-vous,
certes, mais il y a de la place pour tous. Déambuler dans les ruelles ornées
de ces superbes maisons bicolores qui semblent toujours repeintes de la
veille tant elles nous semblent proprettes, craquer pour des petits pains aux
graines, abondants sur les étals, assister à la répétition d'une chorale
préparant la messe de Pâques dans l'église Saint Bavo, se dire qu'on reviendra,
sûrement, et plus longtemps cette fois.
{le marché du samedi, à Haarlem : quelques photos express}
Ainsi s'achève ce très court et très dense week-end au plat pays.
Si proche, si loin, dépaysant finalement, familier pourtant.
{"La jeune fille à la perle" nous aura manqué, repartie dès fin mars dans son musée d'origine,
le Mauritshuis * de La Haye}