Automne à Port-Louis
La froidure venant, on avait dit la Crète. Mais l'arrivée depuis quelques semaines au sein du foyer d'un petit chat couleur d'écureuil, hyperactif, hyper destructeur, hyper mignon, hyper d'une manière générale, nous a ramené vers de plus modestes aventures. L'adorable empêcheur de voyager en rond s'étant vu imposer trois jours de colo chez Georges Cat, hôtel pour chats, à nous la liberté, et vive Port-Louis, Bretagne, Morbihan, Golfe.
{Port-Louis au mois d'octobre : encore un peu de poisson, mais pas d'Antoinette; l'échauguette de la citadelle;
une des innombrables petites criques; et la pointe d'humour breton dans ce baromètre très sérieux}
Je souhaitais secrètement visiter la très belle maison-boutique de Vincent Farelly et Jean-Baptiste Martin, créateurs de l'enseigne désormais culte Antoinette Poisson... Hélas, l'arrière-saison n'y est pour rien, le comptoir semble avoir définitivement fermé. Je me contenterai des volets clos, peints de ce bleu passé totalement indéfinissable qui caractérise les bords de mer bretons.
{La Dame Blanche, librairie, salon de thé, jardin, lieu de conférences, de signatures et de rendez-vous}
Les petites déceptions sont heureusement compensées par les belles découvertes, entre autres, celle de la Dame Blanche, le cœur battant du village qui semble être déjà plongé dans sa douce léthargie automnale (où sont les gens ? Première interrogation). C'est un endroit qui devrait exister dans toutes les petites villes et bourgades, tous les endroits de plus de 100 âmes : un lieu qui réchauffe, qui donne envie de sourire, de boire et manger de bonnes choses dans de la vraie vaisselle qui ne fera pas déborder les poubelles puisqu'elle se lave, de feuilleter des livres, de parler bas, de regarder les autres gens et discerner dans leur regard l'étincelle du bonheur de l'instant.
{La Dame Blanche vient d'ouvrir; un café se prépare, pendant ce temps, on choisit une lecture :
pour moi, "La désinvolture est une bien belle chose", de Philippe Jaenada}
Le golfe du Morbihan est constitué d'une myriade de petites iles qu'on atteint à marée basse, à gué, ou en bateau. Après une vivifiante promenade contournant la citadelle, nous avons donc, comme on prend l'autobus, emprunté une navette conduisant à la presqu'île de Gâvres. Jolies maisons, jolies plages, mais le tout comme dans un épisode de la Quatrième Dimension : désertiques (où sont les gens ? Deuxième interrogation)
{Chez Martine, pique-nique en cagettes avec vue mer, imprenable; la Criée, transformée en salle des fêtes, a conservé ses belles lettres; le long de la promenade du Lohic, rencontre avec quelques jolies tondeuses écolos}
Peu de restaurants hors saison à Port-Louis, à part une médiocre crêperie (celles de la rue du Montparnasse à Paris sont bien meilleures !) et un étoilé, mais ce n'est pas le moment. En revanche, quelle superbe idée cette guinguette "Chez Martine" près de la cale de la Pradenne, au-dessus de la plage ! On y déguste des huitres toutes fraîches, pour qui aime, mais aussi crevettes et tartinades de thon et maquereaux, accompagnés de la rondeur minérale d'un Muscadet.
{la presqu'île de Gâvres}
Troisième matin : direction la Citadelle, qui abrite deux très beaux musées : celui de la Marine et celui de la Compagnie des Indes. Dans la boutique attenante, achat totalement superflu de coupelles en porcelaine bleutée, répliques de celles trouvées dans les fouilles sous-marines consacrées aux naufrages des caravelles. Pas de regrets, elles sont trop belles. Un couple de septuagénaires fait la visite casque aux oreilles, tandis qu'un groupe d'écoliers remuants la termine. A part cela, personne, quel dommage pour un si bel et si riche endroit! Mais tant mieux pour nous (où sont les gens ? troisième interrogation)
{petites gourmandises groisillonnes, disponibles ici; les roses d'octobre, en tenue d'automne;
belle villa "prune" (la couleur phare de cette saison, parait-il); la cantine des matelots}
Nous le saurons en prenant sur le port notre ultime dîner au Ma Bro, la Cantine des matelots : c'est noir de monde, c'est chaud, ça rit, ça s'interpelle, ça vit, et en plus, c'est bon. Le retour à la nuit dans les ruelles désertes juste éclairées par la lune jusqu'à l'hôtel nous plonge avec bravoure dans un décor à la Simenon.
{Carnac, entre landes, ajoncs et mystères; l'église Saint-Cornely, où l'on baptise encore les chevaux lors des
pardons de septembre; rue accueillante}
Sur la route du retour, l'idée d'un très léger crochet par Carnac s'immisce dans la planification. Souvenirs de les avoir vus librement, sans barrières, mais je reconnais qu'elles étaient nécessaires, et élaborées de telle sorte qu'elles n'entravent pas la vue sur les mégalithes, tout en les protégeant des acrobates à la mie de pain et des tagueurs de tout poil.