Encore quelques jours
C'est toujours le même dilemme : prendre ses vacances avant les autres,
c'est plutôt une bonne idée lorsqu'on le peut, mais revenir au moment où
les autres partent, sans parler de la perspective de passer les deux mois
les plus chauds de l'année dans une ville ultra bétonnée - et en chantiers
permanents - voilà qui vous met le moral dans les chaussettes, bien
que celles-ci ne soient clairement plus de saison.
{le moulin de Daudet à Fontvieille : entendez-vous les cigales ?}
En attendant ce jour funeste, profiter des merveilles de la région sans penser
à autre chose que choisir un chouette coin pour pique-niquer, s'enivrer des
parfums qui inondent les marchés, se souvenir des noms qui chantent - Maussane,
Mouriès, Eyguières, Pélissane...mettre ses pas dans ceux d'Alphonse en gravir
le chemin caillouteux qui mène au moulin de Fontvieille, se mettre à l'ombre
et écouter sur son smartphone la voix enchanteresse de Fernandel nous conter
la petite chèvre. Nous sommes dans le décor de Blanquette. C'est idiot je sais
mais ce moment aura été un des temps forts de ces vacances. .
{Maussane-les-Alpilles aux douze coups de midi}
On n'oublie pas d'acheter pour sa petite Suzon la BD des Lettres de mon moulin
car on sait d'avance que le très bel album aux aquarelles repéré ne sera
pas ouvert. Triste, mais c'est ainsi. La marchande nous affirme que même
dans les bulles c'est le texte original, nous voilà rassurés.
{spectaculaire topiaire dans les jardins du château d'Estoublon ! }
{les figues ici sont plus avancées que dans l'ouest, mais semblent terriblement souffrir de la chaleur;
l'entrée de la petite chapelle au Château d'Estoublon}
La grande ville ne nous manque pas, c'est une évidence. Mais les billets pour
le Mucem ont été pris depuis Paris, alors va pour l'autoroute direction la cité
phocéenne. J'avais quelques préjugés sur Marseille, sans doute bien alimentés par
certains média, vite balayés dès l'arrivée au Vieux Port. Je n'y ai pas cherché
les fantômes de César, Marius et Escartefigue : ceux-ci font partie d'une imagerie
immuable ancrée dans mon Panthéon personnel. Mais découvrir comme une allégresse,
une juvénilité rafraîchissante, une lumineuse nonchalance dans cette ville aux
mille contrastes m'a donné des ailes pour grimper jusqu'au sommet de la colline
d'où veille la Bonne Mère.
On emprunte docilement la célèbre Canebière, comme d'autres le font des
Champs-Elysées, puis on s'enfonce à droite à gauche à la recherche d'un
endroit pour déjeuner. L'on tombe alors sur le quartier de Noailles, qui
regorge de petites échoppes, de minuscules restaus extérieurs à touche-touche.
Ça grouille, ça s'interpelle, on finit par s'asseoir sans vraiment savoir
à qui appartiennent les chaises un peu bancales - italien ou tunisien ?
Finalement ce sera sicilien, des tout petits plats aux noms chantants :
Caldi-caldi, Mozza en carrosse, Caponata...
{chez Sauveur : tout petit établissement, mais quel palmarès !}
{Maison Empereur : tout, absolument tout pour tous }
Tout près, je ne pouvais pas manquer cette vénérable institution marseillaise
qu'est la maison Empereur. J'en avais tellement entendu parler au fil des blogs
et des Insta des unes et des autres, que je craignais, forcément, la déception.
Impossible ! Qui que vous soyez, quoique vous aimiez, il y a aura toujours
quelque chose pour vous ici. Imaginez une caverne dont les pièces s'emboitent
les unes dans les autres, la déambulation semble sans fin, les regards sont
happés, il y a du sérieux, du drôle, de l'insolite, de l'inutile, du très
utile, du joli, du fonctionnel, du "ça existe encore, ça ?" !
{Maison Empereur : enclave dédiée à l'artisanat provençal; je résiste à l'envie de remonter avec une cigale...
La pauvre, que ferait-elle à Paris ? }
Le deuxième jour sera consacré au Mucem - le Musée des Civilisations de l'Europe
et de la Méditerranée. Ce superbe bâtiment dressé face à la mer, œuvre de
l'architecte Rudy Ricciotti, abrite actuellement deux expositions passionnantes:
"Le grand mezze" nous conte avec gourmandise l'histoire de la gastronomie
méditerranéenne, et confirme que de Gènes à Istambul, en passant par Séville
ou Alger, les saveurs communes sont partagées, même si les recettes et les
techniques varient.
{le Mucem : grandiose !}
"Barvalo", consacrée à l’histoire et à la diversité des populations romani
d’Europe, bouscule nos idées parfois préconçues sur ces communautés
mal connues, souvent rejetées et persécutées. Iconographie d'une richesse
incroyable, témoignages émouvants, souhaitons que cette manifestation devienne
itinérante afin qu'elle soit vue par le plus grand nombre. Ne pas rater en
seconde partie l'expo imaginaire intitulée "le Musée du gadjo" basé sur
une scénographie outrée et follement drôle de nos supposées habitudes de vie,
révélant ainsi l’absurdité de l’essentialisation de l’Autre quand elle est
poussée jusqu'à la caricature.
La visite terminée, après un passage obligé à la boutique, une passerelle nous fait
habilement changer de siècle pour nous mener au Fort Saint Jean, véritable dédale
architectural, surplombé du Jardin des Migrations, un lieu extraordinaire foisonnant
d'essences méditerranéennes, odorant, lénifiant, où l'on aimerait se poser et ne plus
bouger pendant des heures juste à regarder la mer et percevoir, à peine, le doux
froufrou de la ville en bas.
{quelques vues de la maison salonaise, déco simple aux couleurs apaisantes, tonnelle endroit magique des petits-déjeuners
et des dîners tardifs, petit coin charme dans la cuisine}
Lorsque ces jours se conjuguent au passé, une fois rentrée chez soi, on libère
les parfums et les couleurs qui ont joué les passagers clandestins dans les bagages.
On dispose ça et là dans la maison les témoins discrets des vacances. L'été vient
d'arriver, on va le passer ici, à Paris.
{Un nom amusant pour une fraîche eau citronnée ; comme elles sont jolies ces navettes* parfumées,
j'aurais bien acheté le panier entier ! Qui parmi vous sait les faire ?}