Chronique d'été
Il y a le passage du chaud au frais. On rentre du jardin, éblouie, un peu ivre
des ardeurs du soleil de 17h, on ôte en les faisant glisser les espadrilles
à la corde tissée d'herbe sèche, et c'est le contact du carrelage qui vous
inonde de bien-être comme une gorgée d'eau froide.
{la sécheresse au jardin, hélas; lecture gourmande et nouvelle petite chatte venue d'on ne sait où,
baptisée provisoirement Pirouette}
C'est l'été incontestablement, ce moment de l'année suspendu où l'on voudrait
à la fois ralentir pour savourer, et bondir pour ne rien perdre des heures
et des jours précieux qui déjà raccourcissent.
{"Vivre la campagne" de Monique Duveau et José Esteves, ce genre de livre qu'on préfèrera offrir plutôt que prêter;
le fameux gâteau nantais, offert par le Manoir de la Régate, pour en prolonger les délices chez soi}
C'est aussi le moment de s'écouter, de se faire plaisir, de faire du neuf dans
la maison, la sienne toute petite à Paris, ou l'autre, la grande provinciale
qu'un jour on quittera pour de bon. En attendant, on passe un moment merveilleux
au Manoir de la Régate, sur les bords de l'Erdre, à déguster de tout petits
plats incroyablement raffinés, accompagnés d'un divin pain beurré.
{L'art de la photo culinaire en est un, il m'est donc difficile de restituer le raffinement des plats servis, 8 en tout,
petits heureusement, mais dont chaque bouchée donne un avant-goût de paradis}
On poursuit la recherche du bien-être avec des gâteaux tout simples juste sublimés
par le moule en couronne, des anniversaires fêtés sur le fil avant que tout le
monde ne s'égaille aux quatre coins du monde ou plus humblement, de la France.
On savoure le plus lentement possible la lecture du premier roman d'une jeune
auteure de 24 ans, Perrine Tripier. Si ce livre était une musique, ce serait
sans doute du Schubert. Si c'était un tableau, il serait signé Hammershoi ou
Vuillard. Si c'était une gourmandise, sans conteste un sorbet à la framboise.
{le nid en racines de vétiver parfume la maison; happy birthday aux natifs de juillet ! Lecture précieuse,
thé et "pignolats" de Nostradamus; gâteau à la poudre d'amandes vite fait}
Autres lectures de l'été : le pamphlet de Caroline Fourest contre les dérives
absurdes d'un wokisme dévoyé, et le second tome de la saga familiale de
Leïla Slimani, dont le style narratif me séduit à chaque fois. Aucun coup
de foudre en revanche pour Deborah Lévy, si plébiscitée, dommage.
{l'essai signé Caroline Fourest a été également offert à deux jeunes de 23 et 30 ans, qui n'ont pas adhéré :
le débat reste ouvert ! En arrière plan, ma tasse Mifi, j'adore ce petit personnage au nez en point de croix}
Mais depuis le début de ce billet, la température a chuté de 10 bons degrés.
On peut toujours regarder la pluie strier les vitres d'une fenêtre donnant
sur un triste paysage urbain, ou persister à se faire plaisir...
Une soirée à l'Opéra pour applaudir le Roméo et Juliette de Gounod, dans
une mise en scène époustouflante de Thomas Jolly, une autre au
théâtre pour comprendre la vie compliquée de ce génie que fut Glenn Gould.
{enrichie de belles représentations de ce qui était "le ventre de Paris", de descriptifs de menus de gala hallucinants
pour nos estomacs d'aujourd'hui, de quelques recettes et de témoignages de jeunes étoilés, cette exposition
nous aura donné faim ! }
Visiter pour la première fois la Conciergerie lors d'une exposition consacrée
à la gastronomie francilienne, réaliser qu'ici aussi, loin du fantasme des potagers
du grand-père, on peut se nourrir convenablement et être définitivement locavores.
{étonnant, instructif, délirant, émouvant : "Cheveux et poils" dure jusqu'au 17 septembre ! Alors si vous en avez l'occasion...}
Assumer enfin sa chevelure indomptable après avoir vu l'exposition du musée des
Arts Décora(tifs) décryptant l'influence de notre système capillaire et pileux,
véritable indicateur social et marqueur d’identité, comment au cours des siècles
nous avons appris à dompter ce "pelage" afin de nous démarquer de l'animal,
comment la chevelure, sa longueur, sa couleur et sa texture ont façonné notre
émancipation, nos libertés, notre dépendance, volontaire ou non, nos rebellions.
Je vous quitte sur ces fleurs mis en scène à l'étage décoration du Bon Marché.
Elles me mettent en joie, car il me semble avoir laissé l'été quelque part en
province, avec les chats enroulés à l'ombre de l'érable et les volets baissés
sur la lumière trop crue. A Paris, c'est un avant-goût d'automne, mais j'avoue
ne pas être du tout prête à l'accueillir.
Si vous êtes à l'ouest :
Si vous aimez les beaux livres :
Si vous passez par Paris :
* Glenn Gould, la naissance d'un prodige
* Le musée des Arts Décoratifs