En attendant mieux
Rarement mois de février fut plus ennuyeux. Un hiver qui ne ressemble à rien,
même pas froid, juste très mouillé, un peu désolant, semble mollement céder
la place à un printemps apathique. Les sorties se font sous surveillance,
on se dit bonjour de chaque côté de la rue, on passe son temps les mains
sous le robinet, on n'embrasse plus, on ne se touche plus, on attend
que "ça" passe.
Je ne cherche pas à fuir la réalité et me montrer inconséquente, mais enfin
tourner en rond chez soi en traquant des poussières imaginaires n'est pas
l'échappatoire idéale au désappointement. J'ai mieux que cela.
Deux thérapies pas forcément contradictoires d'ailleurs, voire qui
se complètent et s'harmonisent si l'on sait se montrer raisonnable pour l'une
et sans freins pour l'autre (à vous de voir laquelle..) : la pâtisserie
et la lecture. D'abord du pimpant et du délectable, avec le très anglais,
très généreux album "Inspiration Déco", qui vous transporte au fil des pages
de cottages nature en chaumières so chic,
{pour accompagner Suzanne, les merveilleux petits coeurs signés Marcolini, dans un écrin qui,
une fois vide, ira compléter ma collection de jolies boîtes}
du bouleversant, avec "Suzanne", l'histoire vraie de la grand-mère
de l'auteur, que nous découvrons tout d'abord dans les dernières années
de sa vie, cloîtrée dans un EHPAD, amère, pitoyable et à la merci
d'un personnel lui-même au bord du gouffre, mais aussi enfant chérie,
adolescente hardie, jeune épouse très éprise (qui donna à ses
quatre filles des prénoms de fleurs), femme libre et fantasque,
hélas rattrapée par la dépendance physique. C'est à une véritable
traversée du siècle, riche d'anecdotes personnelles et d'événements
historiques, que nous invite Frédéric Pommier par ce portrait
de femme très attachante.
"Archives du Nord" est de ces ouvrages qu'il faut lire au petit matin,
lorsque le disque de la lune caresse de son opaline lueur les toits
de l'immeuble d'en face. Le café est encore bien chaud, on s'ébroue des rêves
de son court sommeil, et on goûte la précision ciselée du style Yourcenar
qui plonge dans la nuit des temps pour évoquer sa propre histoire familiale.
Riche, foisonnant, passionnant.
[thym du jardin et bougie du soir Sostrene Grene}
Attention, rire garanti : "Les perles noires de Jackie O." Un scénario
improbable truffé de quiproquos et de ratages, émaillé de personnages dignes
d'un des meilleurs Billy Wilder. Comment Gabriella, la soixantaine déprimée
et nécessiteuse, va devenir la fine stratège d'un casse invraisemblable
programmé chez un millionnaire juif new-yorkais, et homosexuel.
Réjouissant.
Dans un registre tout à fait opposé, "Chanson douce", terrifiant,
angoissant, mais il serait dommage de passer à côté du talent de
Leïla Slimani dont j'avais déjà aimé "Dans le jardin de l'ogre".
Un couple de jeunes urbains en pleine construction professionnelle,
Paul et Myriam, décide de faire appel à une nounou pour garder
leurs deux jeunes enfants. De cette banale situation nait un drame,
dont on est informé dès le terrible premier chapitre.
Le fait divers ayant inspiré le roman, remonte à 2012
lorsqu'à Manhattan, deux enfants sont retrouvés morts, poignardés
par leur nourrice. Une lecture passionnante comme une enquête policière,
aux portraits méticuleux, où l'on parvient malgré soi non pas à pardonner,
ni même à comprendre ce qui a conduit Louise à commettre l'irréparable,
mais à porter sur un elle un regard sans doute plus nuancé.
Pour finir, il faudrait prescrire à vie la lecture régulière de celui
qui décrit mieux que personne, par la finesse de ses dessins
et celle de ses légendes décalées, la subtilité des petits riens
du quotidien, la tendresse ordinaire, la valeur de l'insignifiant,
au travers de ces tout petits personnages perdus dans un monde
qui semble trop grand pour eux, le merveilleux Jean-Jacques Sempé.
{à l'heure qu'il est, il ne reste que deux petits coeurs...}
Je n'aurai pas l'affront de vous communiquer les simplissimes recettes
de mes pâtisseries de ménage :
madeleines au nougat, gâteau marguerite au citron et au pavot,
petits moëlleux au chocolat noir, cake à l'orange et au Grand Marnier.
On les trouve d'un clic sur la toile !
J'ai préparé et rédigé ce billet bien avant l'allocution du président et les mesures qui en découlent.
Sa légèreté est apparente car loin de moi le sentiment d'indiférence et de désinvolture face à la situation.
Courage à celles et ceux impactés directement par ces dispositions.