L'été des musées 2 : de Hugo à Rodin
C'est une consolation finalement de se dire que même lorsque l'été a décidé,
tel un ado buté, de ne pas faire son travail d'été, en clair, de nous offrir
des températures dignes d'un bel octobre, le tout sous des trombes d'eau glacées,
il y aura toujours à Paris de quoi se satisfaire en allant de musées en musées.
{à droite du buste de l'écrivain encore imberbe, zoom sur la moquette, fleurie et so british !
Détail du papier peint, plutôt dans l'air du temps, et montée vers les appartements privés}
J'avais tellement été subjuguée par la visite, il y a quelques années lors
d'un voyage à Guernesey, par Hauteville House (nous étions deux : visite privée,
donc, avec un guide enflammé par l'univers hugolien)qu'il me fallait retrouver
cette magie dans sa célèbre maison de la Place des Vosges.
{ancienne place Royale, la place des Vosges et ses célèbres façades de briquettes roses}
{la maison où, par le hasard des garnisons de son père, naquit Victor Hugo le Bisontin}
Vous me saurez gré de vous épargner une quelconque ébauche de biographie
sur le poète, l'écrivain et l'homme politique que fut Victor Hugo,
pour ne vous dévoiler que ses talents de décorateur, auprès duquel
Jacques Garcia peut se targuer d'être gentiment minimaliste.
{c'est ici place des Vosges, dans l'hôtel de Rohan-Guéméné où il séjourna 16 ans, que Victor Hugo
écrivit Ruy Blas, Les voies intérieures, et qu'il entama la rédaction des Misérables
et de la Légende des Siècles}
Truffé de porcelaines, de barbotines, de statuettes, de laques et de marqueteries,
le style donné par Hugo à son cadre de vie explose avec excentricité, fantaisie
et une audace parfois teintée de naïveté.
{une ambiance lourde, très XIXe, avec des audaces toutes personnelles;
en fin de visite, le salon de thé offre un belle terrasse donnant sur le jardin}
Une exposition temporaire de ses dessins occupe également une partie de
l'édifice. Réalisme, noirceur, obscures allégories... son style pictural
torturé m'a passablement oppressée. Après la visite, la tarte au citron
dégustée dans le jardin, ainsi que la promenade sous les arcades me
firent l'effet d'une lampée de fraîcheur.
{le très joli hôtel du Pavillon de la Reine. Parfois j'aimerais être touriste à Paris
pour résider ne serait-ce qu'une nuit dans de tels endroits]
Le lendemain, un rayon de soleil bien tentant autant que bienvenu m'a convaincue
d'une nécessaire promenade urbaine dans les jardins de l'hôtel Biron,
où vécut Auguste Rodin, autre barbu célèbre et tout autant prolifique.
Peut-on avouer que l'on n'est pas totalement admiratrice d'un maître adulé
par la majorité ? A-t-on le "droit" de ne pas aimer Picasso, Proust ou
(pourquoi pas ?)Mozart ? La normopathie dans le domaine artistique relève
parfois d'une insidieuse tyrannie qui nous ôte toute pensée subjective.
De Rodin, donc, j'aime évidement "Le baiser", "la cathédrale", et quelques
œuvres dites mineures qui m'ont assez éblouie, mais dans l'ensemble,
je reste...de marbre devant la plupart de ses productions, ses corps
torturés, outrés, les tendons gonflés, les visages tourmentés.
Cela me désole un peu de pas aller au-delà de l'apparence, mais c'est
peut-être l'actualité, hélas si sombre, qui ne me donne que des envies
légères et lumineuses.
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{"L'âge d'airain"}
Et je regrette de n'y avoir pas trouvé ses aquarelles de danseuses cambodgiennes,
si évanescentes dans la soie de leurs subtils saris délicatement colorés.
{des œuvres de contemporains émaillent la visite :
coup de cœur pour "La liseuse" (extrait) d'un certain Gaston de la Touche}
C'est plutôt l'écrin qui m'a attirée ici en ce dimanche encore un peu nuageux.
L'hôtel Biron, restauré en 2015, fut la demeure du sculpteur à partir de 1908,
dont il n'était d'ailleurs que locataire. Jean Cocteau, Henri Matisse,
Isadora Duncan, entre autres, y séjournèrent également.
L'hôtel Biron fait partie de ces splendides demeures érigées pour l'aristocratie
et la grande bourgeoisie des 18e et 19e siècles, aux majestueuses ouvertures,
aux moulures ciselées, aux envolées d'escalier, aux dessus-de-porte chantournés,
qui furent habilement restaurées en musées. L'hôtel de Sens qui abrite la
bibliothèque Forney, l'hôtel Salé pour les œuvres de Picasso, le superbe
hôtel de Caumont à Aix en Provence, la maison d'Ary Scheffer pour le Musée
de la Vie romantique n'en sont que quelques exemples.
{derrière les cônes des buis, le dôme étincelant des Invalides}
Et puis le jardin ! On perçoit, discrètement en ce dimanche d'août,
le ronron cotonneux des voitures derrière les haies sur le boulevard des Invalides.
Les promeneurs ont le pas lent qui sied aux heures méridiennes, certains se sont
assoupis sur les bancs, les enfants mangent des glaces en courant autour des
tables de jardin dressées près du restaurant "L'Augustine", personne n'a vraiment
envie de rentrer chez soi. Rodin est une bonne excuse.