Demi teintes
Le matin, lorsque la lumière toque de plus en plus tôt aux volets, il arrive
qu'elle se glisse dans ses interstices en formant de jolies rayures sur le
parquet. Mais c'est rare. Au-dessus de la Loire, les hivers sont des moments
flous pendant lesquels chacun puise dans ses intimes ressources l'énergie
et l'endurance qui les mèneront jusqu'au printemps.
{fleurs et petites douceurs... C'est la saison des thés, des gâteaux faits maison, des correspondances affectueuses}
Le gris a tellement envahi la Grande Ville, qu'elle semble figée dans le noir
et blanc des photos de nos grands-parents, suspendue dans le flou d'une époque
incertaine, et qu'on ne se souvient même plus du flamboiement des couleurs.
Heureusement qu'il y a les fleurs, obstinément toutes belles, celles d'hiver
ayant fini par défier leurs rivales printanières.
{L'Arbre, jusqu'ici un de mes fleuristes favoris, a vraisemblablement changé de direction :
les fleurs y sont toujours aussi belles, mais l'art du bouquet laisse à désirer...}
Les couleurs, on peut aussi aller les visiter dans leurs écrins les plus précieux.
Une carte joliment baptisée "Amis du Louvre" me fut offerte au moment des vœux.
Oh la belle et bonne idée ! Aller au Louvre librement, toute l'année, juste
comme ça, un jour de pluie, ou en passant, et décider qu'on s'en tiendrait
au tiers de l'aile Richelieu, puis le mois d'après aux estampes de l'aile Sully,
un autre jour aux arts de l'Islam, ou simplement revoir la si discrète Mona Lisa
sans avoir à franchir le barrage des portables hérissés au-dessus des têtes,
menaçants comme des hallebardes.
{la galerie des sculptures à l'entrée de l'aile Richelieu; détails de quelques œuvres
au niveau 2, consacré aux peintures d'Europe du nord}
{le panier de fraises des bois, par Jean Simeon Chardin}
Une souscription a été lancée pour que ce tableau de Chardin, l'un des grands
maîtres de la nature morte du XVIIIe, intitulé "Le panier de fraises des bois" *,
reste la propriété du musée. Chacun peut contribuer, de Bernard Arnaud à vous
ou moi, à sa préservation, afin qu'il soit donné à tout le monde de l'admirer,
ici, au Louvre, où est sa place, plutôt qu'au Texas.
{détail émouvant d'un tableau, œuvre d'un peintre italien; toujours transmettre par courrier quelques grammes de beauté !}
Reprenons le métro, ligne 1, direction le Petit Palais *. J'ai souvent évoqué
(et loué !)ce monument rescapé de l'Exposition Universelle de 1900, devenu
musée des Beaux-Arts et proposant régulièrement des expositions temporaires
de très grande qualité. Actuellement, le "Paris de la modernité" axé sur les années
1900-1925, nous plonge dans une capitale effervescente, cosmopolite et foisonnante,
où se sont croisés artistes, inventeurs et créateurs du monde entier.
{Picasso, Foujita, Jacques-Emile Blanche, Marie Laurencin, Tamara de Lempicka, Jean-Michel Authoniel, François Pompon}
L'exposition est articulée en 11 sections, associant mode, photographie, architecture,
cinéma, peinture, sculpture, littérature, musique, ainsi que la douloureuse période
de la Grande Guerre. Passionnant.
{Ceci est valable également pour les jeunes filles...}
Pendant que les soucoupes font leur joli coeur, le cake aux clémentines confites
tiédit, et les renoncules déploient leurs dernières strates veloutées.
On dit au revoir à février ?