Petits bonheurs franciliens
Ma dernière visite * remonte à neuf ans : c'était en juin 2014. J'ai retrouvé
cette date grâce au blog, véritable livre d'heures des jolis moments passés.
Et ce samedi, la pluie d'orage ayant bien nettoyé le ciel à grande eau,
nous avons profité d'une belle lumière de peintre pour apprécier la balade.
{nous venons d'arriver : les pavés luisants de l'averse matinale vont bientôt être réchauffés par le soleil de midi}
Nous sommes chez Gustave Caillebotte *, du moins dans ce qui fut sa résidence
pendant 20 ans. Le Domaine, imposante propriété située sur la commune de
Yerres, s'offre comme une invitation à tout ce dont on a envie lorsqu'on n'a
ni jardin à soi, ni les mètres carrés nécessaires pour s'ébrouer à l'abri
de la chaleur.
{la maison : des milliers de détails, un raffinement absolu, un goût incontestable, qui nous feraient
presque oublier que dehors un grand parc nous attend ! }
D'abord la maison, récemment restaurée avec le concours du Mobilier National,
nous immerge délicieusement dans ce que pouvait être le décor d'une
bourgeoisie esthète fin XIXe. Visite quasi privée : il suffit de peu de choses
pour avoir la douce impression d'être les invités privilégiés du lieu.
{la table, pouvant à l'occasion accueillir jusqu'à 36 couverts, trône dans une salle à manger aux murs
tapissés des panoramiques de Zuber}
{beaucoup de tissus, certes, mais rien de lourd ni d'étouffant dans ce décor dont chaque détail a requis
la maîtrise d'habiles artisans }
Seul bémol, la cerbère de service qui, dès qu'un geste nous échappe (remonter
une mèche de cheveux, se gratter le nez, cadrer une photo...) semble prête
à dégainer on ne sait quelle arme dissuasive, nous soupçonnant sans doute de
vouloir lacérer les méridiennes habillées par Pierre Frey, ou les murs tendus
de chintz signé Braquenié.
{un arbre remarquable est un arbre âgé, sensible, et doit être considéré comme un monument historique :
cet immense platane a été labellisé en 2017}
Je n'ai pas photographié notre déjeuner sur l'herbe, afin de ne pas froisser la
susceptibilité d'un Manet, au cas où il passerait sur mon blog. Sachez qu'il fut
simple - un sandwich chèvre/miel... - et suivi d'un café et d'une madeleine au
restaurant du parc, opportunément baptisé "Chez Gustave".
{après des années de mise au placard, les dahlias font un retour éclatant !}
Pas de sieste non plus, à l'ombre des arbres remarquables, car le potager
nous attend, carré de poésie pure ceint de hauts murs bruts sur lesquels
s'agrippent vignes déjà chargées de grappes et lierres fougueux.
Oserai-je dire que sa modestie, toute relative, son côté fouillis, emmêlé,
me ravit tout autant que celui de Giverny, pourtant splendide ? Parce
qu'il ravive, et sans doute ne suis-je pas la seule à penser cela,
le souvenir des grands-pères d'autrefois, ces moments uniques à marcher
dans son ombre, cette époque à jamais perdue où nous n'étions
pas plus hautes que ses plants de petits pois.
{Les jardiniers ; Gustave Caillebotte 1875-1877}
{pour info : les cloches sont à vendre, se renseigner auprès du jardinier. Je suis tentée, sans savoir
très bien l'usage que j'en ferais en appartement ! }
Mais voilà que la visite s'achève, nous laissons la place aux abeilles
et bourdons qui s'ébattent dans la bourrache et les dahlias, comme s'ils
étaient chez eux, ce qu'ils sont d'ailleurs.
Au retour, on s'adonne avec toujours le même plaisir, à la tradition désormais
acquise de rédaction de cartes destinées à celles qui vivent un peu trop loin.
La seconde partie de mes vacances va commencer. Les tenues se préparent,
on va droit au sud, il y aura du bleu, du blanc, comme dans cette vieille
rengaine de Marcel Amont *, et du vent qui pousse le bateau vers une fin
d'été paisible. J'espère.
{petit échantillon de mon dressing : malgré mes louables efforts pour porter du rouge,
le blanc et le bleu font de la résistance}