Chaque année
Chaque année, chaque été, j'emprunte le petit escalier qui descend au jardin
touffu. Chaque année, chaque été, je retrouve les gestes, la clé qui chante
dans la première serrure, l'ouverture à 45° des fenêtres à claire-voie,
l'installation des tenues dans la penderie, et bien vite, les premiers
pas sur le port déjà trépidant à ces dernières heures d'après-midi.
{chat squatter, surnommé Arsène par nos soins, apparaissant et disparaissant de façons tout aussi mystérieuses;
les bignones roses, dont j'ai rapporté un plan avec l'illusoire idée de les faire pousser dans un jardin atlantique;
les figues du jardin, prêtes à être mises en tarte}
L'habitude tue-t-elle le plaisir ? La répétitivité, l'attendu, le prévisible
ne finissent-ils pas par devenir ordinaires au point qu'on ne voit plus ce
qui est infiniment beau, donc précieux ?
{aux Collettes, on est loin de l'exubérance de Giverny ! Ce qu'il y a de plus beau ici, c'est l'immense oliveraie
qui entoure la maison, source d'inspiration évidente pour Renoir qui, a priori, détestait la Côte d'Azur ! }
On peut puiser en soi ce qui reste des enthousiasmes de l'enfance et nourrir son
étonnement. Car rien n'est jamais vraiment pareil à ce qui fut. Je me souviens
avoir déjà visité la maison où Auguste Renoir passa les dernières années de
sa vie, aux Collettes, près de Cagnes. Une balade agréable, sans fil conducteur,
dans une bâtisse un peu austère aux pièces quasiment vides. Cette fois-ci, nous
avons réservé une guide passionnée autant que passionnante, et la visite
s'est transformée en un vrai moment de grâce.
Claude Monet à présent... Qui n'a pas été charmé par telle ou telle exposition
lui étant consacrée, par la visite du musée Marmottan qui recèle nombre de ses
œuvres, par celle de la maison aux volets verts de Giverny et son double jardin,
par la magie de la salle ovale, à l'Orangerie des Tuileries, où l'on se sent
carrément en immersion au milieu des nymphéas ? On croyait donc tout connaître
du maître de l'impressionnisme...
Le Grimaldi Forum de Monaco cet été lui a rendu un nouvel hommage en se
focalisant sur sa période méridionale, de Menton à Antibes, de Roquebrune
à Bordighera. Le familier des ciels normands, des brumes rouennaises, a
découvert fasciné l'éblouissement des couleurs ardentes !
{juste à côté du forum, un petit jardin japonais, totalement incongru dans son écrin de buildings et de gratte-ciels,
où nous avons fait quelques pas avant de rallier notre port d'attache, tellement plus à notre échelle !}
Parmi les artistes, il y a les "grands", mais aussi les autres. Retourner
Villa Camélia, elle aussi découverte il y a deux ans, admirer les tableaux
d'Haydée Otero, qui mêlent aquarelle, gouache et collage, dans un joli et
joyeux pêle-mêle à la pétulance toute méditerranéenne, et terminer par la
balade qui mène au front de mer, à Cap d'Ail, la ville aux villas chamallow.
{Les salles de ce petit musée étaient rien qu'à nous ! Belle occasion pour apprécier au calme le talent de cette artiste,
ainsi que le charme des lieux; les villas de Cap d'Ail sont toutes couleur de guimauve : ici, vanille}
Après son loupé d'août, le soleil a tenu à se racheter en septembre. Le calendrier
n'ayant pas les mêmes états d'âme, il a fallu composer avec un soleil qui enfile
son pyjama dès 20h, sans que cela altère l'infinie douceur des soirées, au jardin,
sur le port, sur la plage pourquoi pas, pour la désormais traditionnelle pizza
party, encore une habitude, oui, mais s'en défaire ne serait que vain sacrifice.
{stocker les belles images pour prolonger l'éphémère; choisir avec soin la carte que l'on enverra pour l'anniversaire
de celui qu'on a découvert, émue, si jeune, un matin de septembre endormi tout près de soi}
Les occasions de pénétrer dans des palais, et surtout d'y être seuls au monde,
n'étant pas si fréquentes, ne doivent pas être négligées. Dans le vieux Nice,
l'entrée discrète du Palais Lascaris n'attire pas grand monde. Nous voici dans
un lieu où le terme "baroque" prend tout son sens ! Amateurs de musique : ce
musée détient également une splendide collection d'instruments de toutes époques.
{le Palais Lascaris, un joyau baroque très italien, caché dans une ruelle du vieux Nice}
Si ce billet très orienté vers l'art pictural n'a pas achevé de vous lasser,
je vous convie à une toute dernière petite visite. Le musée Massena, dont les
jardins donnent directement sur la Promenade, met à l'honneur une rétrospective
du peintre niçois Emmanuel Costa, et c'est un régal. Son trait précis, arachnéen,
s'adoucit en arrière-plans vaporeux, aux teintes étonnamment douces pour
cette région si intensément baignée de lumière. Les personnages, si petits,
comme perdus dans le paysage, sont cependant ciselés au point que l'on peut
distinguer tous les détails de leurs costumes.
{rétrospective Emmanuel Costa: encore une découverte, charmante !
s'amuser ensuite à comparer ces paysages anciens avec ce qu'ils sont devenus aujourd'hui...}
A quoi est due la notoriété de certains, la discrétion voire l'anonymat de
beaucoup d'autres ? La boutique attenante ne proposait aucune reproduction
de Costa, ni en cartes ni en affiches, dommage.
N'ayant pas une grande famille à nourrir, je fais peu de cuisine au quotidien.
Et ce ne sont pas les vacances, malgré leur rythme allégé, qui me donnent de
subites envies de fourneaux. Les salades bigarrées alternent avec les légumes
grillés. On prend les herbes au jardin, la roquette y pousse sans retenue,
manque-t-il une figue pour compléter la tarte ? On se sert dans l'arbre près
du cabanon. Un petit chèvre pour finir, et voilà. Ah pardon, on ajoute parfois
la gourmandise exquise d'une pâtisserie choisie chez Pascal Lac à Nice, ou celle
d'un cœur à l'orange confite, lequel dispute la meilleure place dans la vitrine
de la boulangerie du port, entre la tourte de bettes, la tropézienne et
les sacristains poudrés de sucre glace.
{toujours partir avec un joli cahier pour écrire, écrire, dessiner, suppléer à une mémoire parfois dilettante;
les merveilles de la pâtisserie Lac; une trouvaille de brocante; un coin de ma chambre orientée à l'est}
Pourquoi ai-je tant de mal à lâcher la souris ? Pourquoi ce billet semble ne
pas vouloir finir ? Etes-vous encore là ? Dans ce cas je me permets une petite
rallonge en évoquant ce village varois, recommandé par un hôtelier aixois
chez qui nous avions fait une première halte. Chemin de traverse, oui, car
il a fallu quitter l'autoroute à la grisante vitesse pour emprunter ce que
j'appelle "des routes à charrettes à foin" limitées à 80 km/heure, et rayées
de bandes blanches continues dissuadant de doubler les dites "charrettes"
qui prennent le temps de vivre, elles.
{c'était jour de marché, les étals regorgeaient de fruits et légumes, mais j'ai préféré zoomer sur les casquettes ! }
Donc, voici Cotignac, image d'Epinal du petit village bourré de charme, bourré
de monde aussi, mais où là encore, il faut savoir s'éloigner pour découvrir
le merveilleux, voire l'insolite. Je vous laisse sur ces images
et vous promet de ne rien publier avant la mi-automne !
{festival de portes à Cotignac; la dernière photo me fend le cœur : je me suis précipitée dans un Spar acheter
quelques barquettes et croquettes pour ce petit amour aux yeux abimés, qui semblait, avec quelques frères
et sœurs du même âge, vivre à l'état sauvage dans un coin retiré du village}