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La Ligne 13

13 avril 2025

Comment vivre sans

Comment vivre sans le mimosa et le camélia de l'hiver, le lilas du printemps,
le muguet des jours plus longs ? Comment faire sans l'amitié, l'amour, le rire,
le soleil, le bleu du ciel, l'odeur des croissants du dimanche, les parfums du
regain, les albums pour enfants sages, les siestes bercées par le chant des
cigales, les matins roses, les soirs dorés ?

 

 

 

 

 

{lilas couleur aubergine; chatte de velours; première cueillette de muguet; les sublimes papiers peints de William Morris; livre d'images animé; boulangerie à l'ancienne, trésor national}

Comment résister à l'envie, parce qu'il fait très beau tout à coup, et
qu'ici rien ne dure, de sortir au jardin déposer la tarte encore tiède
sur la table bancale, comment faire pour ne pas se souvenir des jours
heureux ou supposés tels ? La nappe était autrefois un drap de chanvre.
Petite, on y a dormi, alors comment ne pas penser à cette femme, mon
aïeule, arc-boutée au-dessus de la rivière, là-bas au bout du pré,
s'usant les mains pour le frotter ? Comment oublier 
le goût du beurre
salé sur ses tartines ?

 

 

 

{au jardin; trésors de mer}

Comment vivre sans les chats, leur précieuse fourrure et leur regard
ardent, sans l'Atlantique qui, lorsqu'il se met en colère, sculpte
des vagues si parfaites qu'elles semblent avoir été dessinées par
Hokusai, sans le roucoulement des pigeons lorsque le soir descend
sur la campagne bretonne, le rire persifleur des mouettes dans le ciel
méditerranéen ? Comment résister à la morsure sensuelle d'une crème
glacée après un trop-plein de soleil, aux larmes qui vous
submergent en écoutant l'Ave Maria de Caccini ?

 

 

 

 

 

 

{la côte Atlantique vers Pornic; Pirouette, la chatte-théière chinoise}

Comment vivre sans l'art, le chef d'œuvre, la virtuosité ? Dernièrement,
on avait aimé la démesure des couturiers italiens pour leur performance
dans "Le cœur et la main", depuis, on s'est laissée envoûter par "Au fil
de l'or" consacré à l'art du vêtement de l'Orient aux pays du soleil levant.
Comment se passer du contact merveilleux du papier, celui du livre que l'on
dévore en ce moment, qui vous ouvre toutes les portes des possibles, et
celui qu'on lira ensuite, et l'autre encore après car la soif de lecture
est inextinguible ?
Et aussi, comment vivre sans Bach, Brel, Lennon et Sinatra ? Et sans la
poésie qui naissait du crayon de Jean-Jacques Sempé ?

 

 

 

{exposition "Au fil de l'or", musée du Quai Branly, jusqu'au 6 juillet}

On peut certes vivre sans tout cela, car ces choses de la vie sont si
personnelles que chacun compose lui-même son propre album, épinglé
d'émotions fluctuantes, de sentiments qui ne s'expliquent pas, et de
souvenirs photoshopés par la mansuétude du temps. On a des maitres en
la matière, Françoise Héritier et son "Sel de la vie", Marc Augé et
ses "Bonheurs du jour", Philippe Delerm, ses gorgées de bière et ses
instants suspendus. On s'y retrouve parfois, complice, et l'on découvre,
amusée, intriguée, ce qui les porte et qui leur fait peut-être se poser
cette question : comment vivre sans... 

 

1 mars 2025

Belles lectures et haute couture

Je mentionnais, sans grande originalité dans mon billet précédent,
ces frileux moments d'hiver consacrés à la lecture. Le tableau était
brossé comme une scène impressionniste : fauteuil, coin du feu,
lumière ambrée, abandon au cœur d'une autre histoire que la sienne.
Si je n'avais mentionné ni auteur(e) ni ouvrage, c'est que j'ai
toujours un peu de mal à exprimer mon ressenti une fois la dernière
page refermée. Je suis une piètre critique littéraire, une médiocre
chroniqueuse. Pourquoi tel livre m'a bouleversée, pourquoi tel
autre m'a copieusement ennuyée ? Je préfère vous livrer ici mes
derniers enchantements, plutôt que mes déceptions.

 

{Cézembre est le nom d'une île au large de Saint Malo, où vit le protagoniste de l'histoire;
objet de convoitise, de passion et d'émotions, pierre angulaire de ses doutes et questionnements}

"Cézembre", parce que je suis une inconditionnelle d'Hélène Gestern,
de sa prose magnifique, érudite, de son talent narratif. De plus,
l'action ici se passe exclusivement en Bretagne, en Côtes d'Armor.
Comme d'habitude avec cette auteure (ceux et celles qui ont lu
"555" comprendront...)une enquête est menée pour mettre à jour un lourd
secret. Le personnage principal, enfermé volontaire dans le silence
pesant d'une villa malouine fouettée d'embruns, entend par ses
recherches lever un voile d'ombre sur sa prestigieuse famille.
Presque 600 pages de bonheur absolu.

 

 

{ pour accompagner les lectures, le parfum suave des mimosas trop fragiles, la friabilité des biscuits bretons,
juste une pointe de confiture châtaignes-poires, pas plus !}

"Un jardin pour royaume", parce que tout est dit en quatrième de couverture. 
"Il en va de mon pays comme de l'enfance : quand on en passe la frontière, 
c'est pour toujours. On n'y revient qu'en touriste ou en passager clandestin,
et je redoute d'endosser la vulgarité de l'un, l'illégitimité de l'autre.

 

La solitude de la narratrice, atteinte du syndrome du nid vide, va trouver
un exutoire dans l'achèvement d'une thèse abandonnée lorsqu'elle était
étudiante, portant sur l'œuvre de JJ Rousseau. Cette quête la mènera sur
les lieux de son enfance, où chacun de ses pas s'ajustera dans l'empreinte
laissée des années plus tôt. On se perd un peu dans ce "jardin", le sien,
celui du philosophe, mais c'est comme une promenade où l'on fausserait
compagnie au balisage pour prendre  des chemins inconnus.
Une prose fluide, éclairée, émaillée de lucides réflexions sur le mal
fait à la nature depuis des décennies, et 
de splendides descriptions 
d'une enfance sauvage et libre.

 

Refermons la page, emmitouflons-nous et sortons pour humer l'air parisien.
Est-ce le hasard ? Ces derniers mois les expositions temporaires consacrées 
à la mode et à ses dessous ont envahi le paysage muséal parisien. Ainsi, sur
la façade classée du très sérieux Grand Palais, s'affichent les initiales
d'un duo connu pour son glamour excessif et ses créations débridées.
"Du cœur à la Main", tel est le titre choisi par les couturiers Domenico
Dolce et Stefano Gabbana, mettant en scène leur incroyable parcours esthétique.

 

 

 

 

 

{On passe du noir au lumineux, de l'uni au multicolore, c'est grandiose, dément, kitsch, mais poétique;
dans la salle des miroirs, on entend des bris de cristal, dans celle consacrée au Guépard, la bande originale
du film, et au banquet de l'opéra italien, c'est Verdi qui nous régale} 

Comptez deux bonnes heures, durant lesquelles vous vous laisserez peut-être
emporter dans leur univers baroque, sentimental, déjanté. De salle en salle,
l'étonnement monte, on est parfois interdit par leurs choix, souvent
émerveillé, parce que ça brille, ça claque ! C'est italien, on n'est pas
dans la demi-mesure ! 

 

 

{en haut, la pièce consacrée au Guépard, le film de Visconti; en bas, petite intrusion dans un des ateliers...}

L'absence de relief des photos ne leur rend pas justice, car pour chaque
univers, il faut imaginer une lumière, une musique, un cérémonial très
inspirés des grands opéras italiens.

 

{couronne des rois comme autrefois : dans mon enfance, peu de galettes à la frangipane, mais des brioches luisantes de joyaux sucrés; carpaccio de Saint-Jacques aux suprêmes de clémentines}

Retour at home, pour quelques dînettes amicales où l'on teste des recettes
qui pourraient donner un avant-goût de printemps. Nous n'y sommes pas encore,
mais rien n'empêche de devancer un peu l'appel. Les couronnes de l'Epiphanie
ont cessé de briller, la dernière bouchée de brioche avalée.  Les renoncules
font leur entrée en scène tandis que la bruyère se retire. La lumière revenue
se faufile dans les plis des voilages. On est sur la bonne voie.

 

 

 

 

 

{il y a les livres , et il y a les beaux livres, et c'est tout autre chose : le texte n'a plus grande importance, les photos sont juste là pour vous rappeler que quelque soit le thème, peinture, jardins, décoration, art de la table, architecture, les sources d'émerveillement sont infinies}

24 janvier 2025

C'est un temps pour

C'est un temps pour mettre en pratique ce fameux hygge, concept un peu fourre-tout où se bousculent tasses de thé, gâteaux maison, bougies parfumées au santal et plaisirs régressifs, ode à la paresse heureuse, célébration d'un quotidien maussade qu'une certaine littérature voudrait nous persuader qu'il est au contraire salutaire, voire exaltant.

 

 

Je recherche vainement l'exaltation derrière mes fenêtres sur cour bétonnée, chapeautée d'un ciel aussi bas que celui décrit par Brel dans son sublime "Plat pays".

Alors c'est un temps pour voir ses amis, les inviter à partager projets et souvenirs, goûter un nouveau vin, rire de moments passés vécus ensemble, réfléchir sur ce que vont devenir la France, le monde, sans aller trop loin par crainte de s'écharper un peu, pour finalement se donner rendez-vous très vite devant Notre-Dame dans ses nouveaux atours.

 

 

 

{assiettes à dessert : chine de trottoir, pâtisserie La Grande Epicerie du Bon Marché; crackers faits maison,
avec un carton de papier toilette, une chute de papier peint, du ruban de satin, et à l'intérieur, un chocolat}

C'est un temps pour aller découvrir Harriet Backer à Orsay. Peintre notoire dans son pays d'origine, la Norvège, elle a comme beaucoup d'artistes de cette époque pris son chevalet sous le bras pour sillonner l'Europe. On perçoit dans ses sources d'inspiration l'école flamande du XVIe et celle, évidemment contemporaine, des impressionnistes français. Emotion très forte devant ses scènes d'intérieur brossées à Rochefort en Terre, patrie de mes aïeux.

 

{Intérieur, le soir-1896}

 

 

{j'aime la coiffure mousseuse de cette "Jeanna Baum" peinte par Bertha Wegmann, contemporaine d'Hariett Backer; autoportrait de l'artiste "Dans l'atelier à Paris"; "The farewell" détail}

Est-ce ainsi qu'ils vivaient ? Je reconnais la bassine de cuivre, la maie pour ranger le linge, les cruches en grès, l'impressionnante table de chêne dont les extrémités cachaient un tiroir à pain. Toutes ces choses remises au goût du jour dans les douillettes maisons de campagne qui ornent les magazines de décoration.

 

 

 

{Rochefort en Terre : scènes d'intérieur}

 

 

C'est - évidemment- un temps pour céder aux traditions. Qu'elle soit confectionnée par des mains plus ou moins habiles, ou achetée chez un vrai professionnel, introduire chez soi le soleil d'or mat d'une galette fait oublier que le vrai s'est un peu perdu jusqu'au prochain solstice. 

 

 

C'est un temps pour profiter des soldes et s'offrir le parfum de ses vingt ans. A ce sujet, avez-vous le sentiment vous aussi que tous les parfums se ressemblent ? Qu'on ne reconnait plus vraiment les fragrances qu'on aimait ? 

 

{De l'Air du temps, ne subsiste que le sublime flacon signé Lalique; lectures en cours et à venir}

C'est un temps pour lire, lire et encore lire. On a une pile haute comme ça qui monte qui monte près du lit. Elle rassure, on se dit que si on annonce un nouveau confinement, ou si la Seine déborde et monte au ras de mon 4e étage, j'aurai de quoi.

 

C'est enfin un temps pour ranger tout ce qui faisait Noël, ou qui en donnait l'illusion.

21 décembre 2024

Copenhague II

Copenhague est comme toutes les capitales, elle recèle un nombre si important de musées que chacun mériterait un voyage à lui seul. Bien que notre hôtel fut situé face au Musée National, nous avons préféré traverser une partie de la ville pour rallier le SMK (Statens Museum for Kunst) qui est un peu l'équivalent de nos musées des Beaux-Arts.

 

 

 

 

 

{"A la porte de la véranda" de Laurits Andersen Ring; "Portrait du peintre Niels Kreuger" de Richard Bergh; "Montagnarde" par JF Willumsen; Vilhelm Hammershoi, reconnaissable entre mille; "Jeune fille tressant ses cheveux" de Anna Ancher}

Le bâtiment à lui seul vaut le détour. L'association du baroque Renaissance que constitue le corps d'origine, et de la verrière reflétant tous les gris du ciel danois, est remarquable et impressionnante. Plus de 9000 œuvres d'art, essentiellement des peintures et sculptures qui ont appartenu aux membres de la monarchie danoise sont rassemblées ici, mais faute de temps pour leur rendre hommage, je me suis focalisée sur le 2e étage, consacré à l'art scandinave de la fin du XIXe. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

{"Le peintre dans le village" de Laurits Andersen Ring;"Enfants jouant", de Peter Hansen }

Déjà conquise par toutes les expositions temporaires sur ce thème vues à Paris, je ne cesse de m'émerveiller devant ces scènes de vies quotidiennes, généreuses et délicates. Je retrouve la lumière de Peter Kroyer, les clairs obscurs d'Hammershoï, je découvre Anna Ancher, Laurits Andersen Ring, et me réjouis que le Petit Palais ait, peut-être, quelques projets dans ce sens à la rentrée prochaine.

 

 

 

 

 

{La "maison du jardinier" à l'entrée du parc botanique, qui donne des idées aux jardinières et des rêves aux citadines}

Lorsque plusieurs chemins se présentent, toujours emprunter le plus distrayant. Pour regagner le centre piétonnier, traverser une partie du jardin botanique nous a semblé parfait. Ponctué d'impressionnantes serres se mirant dans les eaux du grand lac, il demande lui aussi à être pleinement apprécié à la belle saison. Un petit passage à l'inévitable boutique pour renouveler son stock de jolies cartes s'est avéré fort nécessaire.

 

 

 

{ La Rundetaarn : une architecture totalement opposée entre l'aspect austère de sa façade et la simplicité moderne de l'intérieur; tout près, le restaurant-librairie Paludan Bogcafé}

Nous voici maintenant au cœur du "Quartier latin" danois, les rues se font plus étroites, les échoppes minimalistes et la foule plus dense. Echappatoire programmée à l'heure du déjeuner (si tant est ici qu'il y en ait une) : La Rundetaarn, autrement dit la Tour Ronde, édifiée en 1637 sous le règne de Christian IV, afin que ses astronautes puissent étudier la ronde des étoiles. Son accès sous forme de rampe hélicoïdale avait été souhaitée par le souverain pour qu'il puisse y monter à cheval...
La pause déjeuner se fera au Paludan Bog café, une librairie-restaurant, à moins que ne soit le contraire... Se régaler au milieu des livres, quoi de plus merveilleux ?

 

 

 

{A l'intérieur du  Rathus de Copenhague, on peut voir d'admirables mosaïques ainsi que de nombreuses représentations  de la faune et de la flore : corbeaux, ours, algues, ou comme ici feuilles d'acanthe en pommeau d'escalier et serpent gouttière}

De notre chambre d'hôtel, nous pouvions entendre la cloche du beffroi de l'Hôtel de ville égrener les heures diurnes. Un tel voisinage ne pouvait rester sans suite. Donc arrêt sur la route d'autre chose dans cet établissement dont le seul qualificatif possible est pour moi celui de "Kolossal" ! Inauguré en 1905, dans un style néo-renaissance, il s'apparente par sa prestance massive aux hôtels de ville médiévaux de style gothique, typiques des villes hanséatiques d'Europe du Nord. Se perdre dans ses interminables couloirs nous a semblé un jeu hors du temps.

 

 

{Les Danois raffolent des couleurs vives ! Pas un homme dans cette confiserie style Barbie, curieux...}

 

{Dans une pâtisserie un peu kitsch, un surprenant dessert ! Tout comme les Néerlandais, les Danois laissent entrer chez eux les lumières du jour ou de la nuit, ... Et le regard des passants. J'ai volé un cliché de cette superbe cuisine, espérant ne pas avoir à rendre de comptes plus tard, mais peu de chance que les occupants lisent La Ligne 13 ! }

Fin du petit voyage en terre Viking. C'est toujours compliqué d'associer le plaisir de la contemplation et l'urgence de profiter au mieux de tout ce qui s'offre à vous lorsqu'on est en terre inconnue. Une escapade en pays scandinave représente un petit budget car le niveau de vie ici est très élevé. Consciente que malgré ma tentation dévorante d'y revenir ici dès le printemps, je devrai attendre un peu. 

 

 

 

 

 

Restent ces petits riens qui font tout, les fous-rires (renversée par un vélo parce que je n'ai pas regardé où il faut, honte à part, j'étais insdemne! )les découvertes insolites, le jeu de décryptage de cette langue un peu brute (faire allemand seconde langue a un peu aidé), le verre de Prosecco offert par l'hôtel en fin de journée au milieu d'un joyeux brouhaha de touristes qui comme nous, revenaient un peu transis de leur escapade urbaine, l'émotion malgré tout devant la fragilité de cette petite sirène à la si triste destinée, perdue au bout du monde sur son rocher.

 

{Quelques souvenirs du voyage}

16 décembre 2024

Copenhague I

Vu d'en haut, il en a une drôle de forme ce petit pays. Comme une sorte de moufle qui s'étirerait vers la Scandinavie, flanquée de plusieurs centaines de petites iles (443 répertoriées à ce jour, en excluant le Groenland et les Feroé !) émiettées dans les eaux glacées de la Mer du Nord et de la Baltique. Le Danemark, depuis le temps que je souhaitais m'y rendre, était en passe de devenir une sorte de fantasme. J'aurais juste aimé un rayon de soleil pour ma courte visite, mais tous ceux qui connaissent m'ont chuchoté qu'il fallait renouveler l'expérience au printemps, lorsque les jours sont doux et longs, les cerisiers en fleurs et les plages accueillantes.

 

 

 

{quelques "cartes postales" auxquelles je n'ai pas résisté : les quais multicolores de Nyhavn, les vélos, les rennes et l'héroïne d'Andersen...}

Souvenons-nous que je suis venue ici pour l'esprit de Noël, et que la froidure fait aussi partie du jeu ! Inutile de prendre un forfait métro, tout peut se faire à pied, et c'est même nettement mieux. En prenant le chemin d'une destination donnée (Petite sirène, Tivoli, Palais royal, etc.) on s'égare avec délices dans les rues pleines de vie. S'attarder dans un de ces merveilleux endroits où l'on boit chaud et où l'on mange pas très ...léger, mais il faut cela pour résister au vent glacé qui, ce premier jour, nous cueille au sortir de la tiédeur de l'hôtel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

{la salle haute du restaurant Faegekro sur Nyhavn le long des quais; jolis détails d'une boutique sur notre chemin; Kuhn Juk : lorsqu'on est lassé des smörebröd, tenter l'exotisme; la garde royale en route vers Amalienborg, résidence d'hiver de la famille royale}

Car oui, ici, tout est hygge, ce phénomène récupéré par les bobos (dont je suis, parfois...) philosophie hédoniste qui vous autorise à vous dorloter, une tasse de chocolat brûlant à la main, entourée de visages bienveillants dans un environnement apaisé.

 

 

 

 

 

 

 

{L'illustre manufacture fournit la famille royale depuis 1775 ! }

 

Pour le plaisir exclusif des yeux, la fabuleuse collection de porcelaines de la Manufacture Royale nous invite à déambuler dans les trois étages de sa maison mère, joyau du XVIIe, livrée pour les fêtes à l'imagination délirante des scénographes. Un simple coquetier du mythique service "Blue fluted half lace" valant 35€, j'ai résisté.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Difficile de faire l'impasse sur les Jardins de Tivoli. Il règne dans ce très vieux parc d'attraction une ambiance un peu surannée, quoique mâtinée d'effets spéciaux façon Eurodisney. Les enfants et les ados passeront ici d'excellents moments. Entre les manèges, de petites échoppes façon maison d'Hansel et Gretel, des points de restauration rapide proposant une popote à faire hurler les diététiciennes (churros, flameküche, beignets, hot-dogs, glühwein...) des cabanons à souvenirs lookés danois made in China...

 

 

 

{Les photos ne sont pas très bonnes; il faut voir ce parc au moment des fêtes avec ses yeux d'enfant. Réserver son regard d'adulte pour le printemps, lorsque la nature s'éveille et que les jours plus longs baignent de lumière ce parc superbe}

Au marché couvert de Torvehallerne, fort heureusement, on peut se laisser aller à son penchant pour la health food. Quel bel endroit ! Sous des halles en verrière, on sautille d'échoppe en échoppe, tout est beau, appétissant, les smörrebröd sont confectionnés devant vous, les salades semblent avoir été juste cueillies, et que dire du marché aux fleurs ! Les voyages en avion brident les pulsions d'achat et ce n'est pas plus mal, car sinon je repartais avec un sapin entier et un énorme bouquet d'ilex verticcilata.

 

 

{le marché aux fleurs de Torvehallerne}

On s'arrête là ? J'ai encore beaucoup de choses à vous montrer, mais trier les milliards de photos contenues dans mon petit rectangle rose me prend du temps. Donc, prochain billet dans, disons 3 jours, avec le Musée des Beaux-Arts, la boutique du Jardin Botanique, l'Hôtel de ville et la Rundetaarn.

 

 

{de chouettes petites brocantes, et quelques idées encore ici et là pour décorer le sapin}

21 novembre 2024

Falling leaves

Que restera-t-il de novembre cette année ? D'instinct, peut-être une envie de se pelotonner en ronronnant dans les bras ouatés de la brume des jours rétrécis. A moins que ce spleen si particulier aux saisons qui se meurent ne nous afflige. Tout est question de contexte et d'état d'esprit sans doute.

 

 

{Le monde de Perrine Tripier, jeune auteure dont j'avais adoré le premier opus intitulé "Les guerres précieuses" est très particulier, voire étrange; d'ailleurs l'intrigue de "Conque" est aussi énigmatique que son titre... Pour accompagner, quelques sablés de la vénérable maison Olibet, ou petits choux gourmands priochés chez Popelini}

De la tristesse et de la peine, de la révolte et de la détresse, nous avons notre compte dès que sont allumés ces appareils nous reliant au monde, dès que l'on fait les premiers pas du matin dans la rue et qu'on découvre les gros titres au kiosque juste en bas. On n'ignore rien de tout cela, on tente de faire sa part du colibri, mais pour rester debout, on ne s'empêche pas, et on y va à fond sur les clichés d'automne : thé fumant, gourmandises, lectures, tricot et grappillages innocents de marrons, glands, feuilles dorées ou incarnat, tout ce que nos mains roidies de froid peuvent attraper sans nuire.

 

{Les araignées, inégalables dentellières; Pirouette à l'affut, terrible mais si adorable prédatrice, pourrait être une des muses de Bruno Liljfors (voir article plus bas)

Pour rompre la monotonie urbaine, il fallait bien un détour par le village breton où la famille célèbre ses morts, qui frissonnait un peu ce jour-là. Mais les galettes étaient généreuses et le cidre réconfortant à l'auberge où l'on a (presque) son rond de serviette.

 

 

 

 

 

{Rochefort en terre, le retour aux racines, aux souvenirs, à ce pays d'enfance dont on ne se défait jamais vraiment}

Profiter du séjour d'une amie chez soi pour aller admirer les créations de ces jeunes femmes dont l'imagination et le talent ne semblent pas avoir de limites. Le salon "Kids etc" nous entraîne dans une ronde enfantine qui nous émeut par sa grâce et sa nostalgie, tout en offrant des idées pour glisser quelques paquets mignons sous le sapin.

 

 

{Au salon Kids etc, un univers enfantin, de très jolies choses, mais aucune n'est estampillée "made in payslointain", car ce sont de vraies créations artisanales, dont beaucoup de pièces uniques; mes petites-filles ont hélas dépassé l'âge des contes et des doudous... Pas moi!} 

Loin des gentils renards stylisés, l'exposition consacrée au peintre suédois Bruno Liljfors nous transporte dans un monde ô combien plus réaliste, et fatalement cruel.

 

 

 

 

 

 

{Extraits de quelques œuvres de Bruno Liljfors, où faune et flore sont omniprésents; rares portraits, dont celui de sa seconde épouse, Anna, au visage grave; la gent féline en revanche, a toute son attention : "le chat est probablement l'animal auquel je voue la plus grande sympathie. Il représente le mieux cet équilibre du corps et de l'esprit qui caractérise si bien l'animal sauvage" }

Le Petit Palais, de loin un des plus beaux endroits qui soient à Paris, organise régulièrement des accrochages très pointus. Après Carl Larsson et Anders Zorn, voici la trilogie suédoise complète avec ce peintre animalier, plus confidentiel, et l'on se demande pourquoi! Ma sensibilité naturelle vis à vis du monde animal a été quelque peu chahutée, car Liljfors peint la nature telle qu'elle peut être, féroce et impitoyable, grandiose, souveraine. Il restitue avec une finesse et une méticulosité rare la beauté absolue de la faune sauvage, le détail des plumes, poils, duvets, à coups de pinceaux balayés, griffant la toile. Fascinant.

 

 

 

{grives au nid et lièvre en hiver}

J'achève ce post, installée devant la fenêtre par laquelle s'offre le paysage insolite et soudain d'une chute de neige. Elle ne tient pas au sol, comme le sucre glace lorsqu'on le saupoudre sur un gâteau encore tiède. Je trouve cela très joli, infiniment apaisant puisque j'ai le choix de rester chez moi.

 

{La traditionnelle rédaction des cartes pour transmettre et partager avec ceux qui sont loin un peu de l'émotion ressentie; mes billets de blog édités : je poursuis leur confection année par année}

 

 

20 octobre 2024

Brumaire

La course du temps nous a fait nous précipiter un peu brusquement dans la saison des pluies. Si j'évoquais paresseusement dans mon dernier billet tout le folklore automnal qu'on se persuade de tant aimer retrouver, je ne pensais pas le plongeon aussi rapide. Mais voilà, c'est octobre, bientôt novembre, et je m'amuse à adopter pour ces jours frileux le très imagé vocabulaire inventé pendant la Révolution Française. Nous sommes donc en Brumaire, et très bientôt en Frimaire. Quant à Noël, nous le fêterons en Nivôse. 

 

 

 

{les petits trésors de chine... Une aquarelle à 50 centimes, et un petit pot fendu, pour rien !  Une invitation programmée depuis l'été, si vite arrivée, et qui réchauffe le corps et l'esprit: velouté de potimarron, samoussas aux tomates confites, tarte aux girolles et mousserons, cannelés au rhum et glace noisette/sarrasin}

Finalement, conservons ces mois en "bre" qui évoquent le "brrrr" du frisson (dit celle qui attend que le chauffage collectif soit enfin réparé...)et testons notre endurance à l'austérité du froid. Quelques pas dans Paris retrouvé, le nez en l'air, une réservation à la Comédie Française pour novembre, une flânerie au Palais-Royal, puis non loin chez Astier de Villatte (juste pour le regard) pour finir chez Sébastien Gaudard avec une tropézienne qui rappelle un peu les vacances.

 

 

 

 

 

{l'éclat doré de l'enseigne La Civette, place Colette face à la Comédie Française; l'intérieur "dans son jus" de la boutique-atelier Astier de Villatte; chez Sébastien Gaudard, pâtissier : on se régale en se mirant}

Notons aussi l'agréable surprise de ne pas voir ces quartiers défigurés par l'attirail halloweenesque (araignées, crânes, chauve-souris, et autres globes oculaires injectés de sang). D'ailleurs, dans certaines échoppes hors du temps qui bordent la galerie du Palais Royal, gageons que s'y nichent d'authentiques toiles d'araignées... 

 

{grille en hallebardes pomponnées autour des jardins du Palais royal; boutique fourre-tout : la photo n'est pas bonne, dommage, elle a été prise surtout pour le joli tableau}

Toujours rive droite, voici le Musée des Arts Décoratifs et son exposition sur l'histoire des Grands magasins. On apprend une foule de choses, que le Bon Marché est le plus ancien, les Galeries Lafayette le plus récent, mais qu'au milieu il y eut quantité d'autres lieux, faits pour "Le bonheur des dames", fermés depuis : Au Gagne-petit, La Belle Jardinière, Aux Trois-Quartiers, Le Louvre, Au Pauvre Diable, Aux Dames de Paris...

 

 

 

{de très nombreuses affiches illustrent l'exposition, ainsi que quelques pièces maîtresses de décorateurs de l'époque; mais la mise sous vitrines de chaque objet a rendu compliqué mon petit "reportage photo" !}

Je me souviens qu'à l'époque où j'habitais tout près du Boulevard Haussmann, m'y promener était un vrai plaisir, presque enfantin. On y trouvait presque tout, à tous les prix, on pouvait circuler librement entre les rayons. En voisine, j'y allais dès l'ouverture pour éviter la foule et le septième étage du Printemps, en particulier, avec son espace "Primavera" consacré à la décoration avait ma préférence. Ce sont devenus des endroits luxueux, glacés, chaque corner étant doté d'une très jeune vendeuse à qui on a appris l'harponnage du chaland, et tout semble hors de prix. La Samaritaine relookée en est le meilleur exemple.

 

{jolie mise en scène des produits de l'époque, mais trop d'iconographie à mon goût : j'aurais aimé des mises en situation, des reconstitutions, des étalages qui auraient rendu cette exposition plus vivante... On devient difficile...}

Après les nonchalantes journées en extérieur, la redécouverte du chez-soi s'impose. On trie et on classe ce qui semble tout à coup décalé, voire anachronique avec la saison nouvelle. Un air d'automne souffle discrètement dans la maison. Amoureuse depuis toujours des fables de La Fontaine, j'ai ajouté à ma collection de fabliers cette affiche, une réédition de la Bibliothèque Nationale de France aux illustrations pleines de ce charme que l'on trouvait jadis chez Benjamin Rabier ou André Pécoud.
Je conserve encore un peu, de façon transitoire en attendant Noël, les jolies cartes reçues cet été, qui me disent les voyages des autres, et celles qui ont fêté mon anniversaire avec délicatesse.

 

 

 

 

{Louis-Maurice Boutet de Monvel, peintre et aquarelliste du XIXe siècle a illustré ces fables; le chandelier baroque vient de chez Cathorétro; les cartes de Papillon Papillonage} 

 

Incorrigible, je ne résiste pas aux coups de foudre des objets, même si je sais pertinemment que chez moi c'est si petit et déjà saturé, et qu'un récipient doit en tout logique être vidé avant d'être rempli... Exemple : cette armoirette, dénichée sur le vide-grenier de la rue Daguerre, dont le vert sauge m'a tout de suite attirée. Mais qu'en faire ? Où la poser ? A quoi me servira-t-elle ?

 

 

 

 

 

{en attendant mieux, la petite armoire se promène au fil des pièces}

Tandis que je me pose ces questions existentielles, l'aubaine d'une matinée ensoleillée me fait sortir pour quelques courses indispensables au marché en bas. J'en reviens en ayant oublié citrons et coriandre, mais chargée d'un bel hortensia qui me donne un avant-goût de ma Bretagne, fébrile que je suis à l'idée d'aller en fin de mois y célébrer la Toussaint.

 

 

{les figues étaient encore toutes vertes en septembre : quinze jours après elles éclataient d'un trop-plein de sucre sur l'arbre ! Pirouette, chatte rustique d'extérieur, ne consentira à poser une patte dans la maison qu'en cas de froidure intense}

Là-bas le figuier avait bien donné, la treille aussi. Chaque année, ce sont de petits miracles de la nature qui s'accomplissent dans un jardin où la maîtresse des lieux ne se hasarde presque plus. Pirouette surveille les récoltes de son œil fendu de chat philosophe. Maintenant on attend l'or des chrysanthèmes pour ensoleiller novembre.

29 septembre 2024

Fermer la porte

La porte qui donnait sur la rue claironnante, fourmillante et multicolore vient de se refermer. Celle qui ouvrait sur le ciel plus bleu que bleu, l'oranger odorant et le figuier fantasque, également.
Deux portes donc, qui s'ouvriront désormais sur d'autres gens, d'autres histoires.
Ce modeste immeuble, un vrai décor à la Marcel Carné, sis dans petit coin de Paris qu'on aimait tant, qui revendique lui-même son surnom de "Village", on le quitte bien sûr, mais rien ne nous empêche d'y retourner en touriste, de s'asseoir à une de ses innombrables terrasses bruissantes, d'entrer en habituée dans ses librairies inspirées, d'y choisir ses fruits et légumes aux Quatre-Saisons, ou d'y trouver encore au-delà de 20h "la meilleure baguette tradition de Paris", tandis que dans l'école d'accordéon voisine, résonnent l'Amant de Saint Jean ou La vie en rose.

 

 

{30 petits mètres carrés qu'on aura eu le bonheur de croiser, mais l'âme d'une maison survit aussi dans les souvenirs qu'on y aura tissés}

A Paris, à moins d'être fortuné, il ne faut pas rêver d'avoir quelque chose totalement à soi. Alors on occupe un lieu banal qu'on transforme en nid, chaque brindille portée au bec, d'année en année lui conférant la splendeur et la noblesse d'un palais, selon sa propre conception de ce que doit être un palais. Et lorsqu'arrive le jour où il faut partir, on emporte dans ses cartons l'énergie et l'audace qui siéent à un recommencement, mais aussi tous ces petits secrets qui n'appartiennent qu'à soi.

 

 

{1A, Traverse de la Ferme de May, ou l'adresse au joli nom d'une maison douillettement cachée dans les figuiers, les citronniers, le kumquatier, les plumbagos et les bougainvillées, qui abriteront désormais d'autres amoureux des jardins; le Spritz Saint Germain sur le port : incontournable; et puis les cartes postales, qu'on oublie d'écrire parfois, et qu'on laissera sur place}

Cap au sud pour refermer la seconde porte, une grille chantante, dont on aura coupé la frange de vigne un peu trop envahissante. Traverse de la Ferme de May à Saint Jean Cap Ferrat: cette adresse résonnera bientôt comme une musique ancienne, celle d'une vie légère qu'on s'octroyait dix jours par an, avec comme souci quotidien le choix d'un pique-nique au pan bagnat à Roquebrune ou une socca dégustée chez René dans le Vieux Nice.

 

 

{Berthe Morisot à l'honneur pour l'exposition Escales impressionnistes au musée Jules Chéret de Nice}

Un jour de pluie intense, très méditerranéen, nous accueille dès le dimanche. Menace ? Rébellion ? Ah vous vendez la maison, ah vous ne descendrez plus ici avant bien longtemps, eh bien, prenez cela : une bonne pluie bien parisienne pour vous donner un avant-goût du triste automne que vous vous apprêtez à passer dans la capitale !

 

 

 

{de haut en bas : Berthe Morisot, "sous l'oranger"; Thérèse Cotard-Dupré, "dans le clos de la ferme"; Louise Breslau, "la chanson enfantine"}

Plus sérieusement, cette journée particulièrement arrosée nous a permis d'admirer (et j'en remercie Marie* pour l'info) la remarquable exposition consacrée à Berthe Morisot au musée des beaux Arts de Nice. Elle aussi, tout comme Claude Monet, séjourna sur cette Côte à l'époque bien éloignée des salons parisiens, où le doux climat et la lumière unique ne pouvaient que réjouir sa sensibilité impressionniste. Nous découvrirons à l'occasion quelques œuvres remarquables de femmes artistes peintres contemporaines, dont la Riviera était receleuse. Mention personnelle pour Louise Breslau.

 

 

 

 

 

{Roquebrune : le vieux village, couleurs violentes, chat de rencontre, auberge italienne, et la bonne surprise d'un vide-grenier}

Depuis le temps que l'on vient ici, on croit avoir tout vu, tout parcouru. La tournée des villages perchés ou léchés par la mer est si loin d'être achevée ! Je ne connaissais pas Roquebrune-Cap Martin. En se perdant pour rallier Peillon, nous tombons sur ce village dont le donjon seul rescapé d'une forteresse tutoie le ciel bleu turquin. Sur une plaque commémorative, on peut lire que Romain Gary y a vécu sept ans. Je ne résiste pas au désir de vous livrer quelques mots de sa prose admirable, sur l'église rose située au coeur d'un entrelac de ruelles :

 

" A gauche sur le parvis, il y avait une lampe et un bouquet fané devant la plaque en mosaïque, où les noms des soldats morts se serraient, comme pour faire la place à l'avenir. L'église était toute rose, théâtrale, une église qui avait poussé avec les orangers et les mimosas."

 

(extrait de "Les clowns lyriques") 

 

 

{la petite porteuse d'eau de Beaulieu; l'impressionnante Madone de la Pointe Saint Hospice et le magnifique bénitier de sa chapelle} 

Les dernières promenades sur les chemins côtiers ont l'amertume des fins, à l'instar de septembre qui marque celle de l'été. On s'arrête à la Pointe Saint Hospice : heureux habitants des contrées ensoleillées qui, jusque par-delà la mort, ont encore droit à la caresse du soleil sur leurs sépultures ! Le cimetière marin de Saint-Jean-Cap-Ferrat domine la baie, sous bonne garde des cyprès, et de la Madone qui ressemble moins à la Vierge qu'à une grosse poupée Bella (avis très personnel...)

 

 

{exposition de couvre-chefs sur le port de plaisance : que de créativité !}

L'heure approche. Encore quelques jours aux petits matins frais, à ouvrir ses volets sur l'oranger qui ploie sous ses fruits de plus en plus lourds, à faire des tartes parce que c'est simple et rapide, et qu'on n'a plus beaucoup de temps à consacrer à la cuisine, à sacrifier un billet de 20€ au Casino de Beaulieu, qu'on ne regrette pas, tant pis, parce que c'est si drôle entre amis (surtout quand 2' avant le game over on a cru en empocher 50...), à admirer la superbe exposition "Le chapeau comme œuvre d'art", à picorer les premiers raisins de la treille et à tresser encore de nouveaux souvenirs qui viendront réchauffer les soirs d'hiver dans la Grande Ville.

 

 

 

 

 

 

 

 

{depuis que je n'ai plus de chats, je photographie ceux des autres, ou même ceux de personne comme c'est souvent le cas dans les villages par ici}

Merci d'avoir lu jusqu'au bout ce billet qui, publié en automne, ne parle ni de foulées dans les feuilles mortes, ni de bougies parfumées qu'on allume dès 16h, ni de plaids douillets où s'enroulerait un chat, ni de châtaignes sous la braise, ni de soupes orange ou de pommes au four. Je reviendrai sans doute bientôt chargée de cette séduisante panoplie qu'on affectionne pour oublier que les jours sont courts, et les nuits parfois fraîches et mélancoliques.

 

* Marie : le blog du quotidien sublimé 

 

 

16 août 2024

Ongi etorri *

Du Pays basque, je ne connaissais qu'Hendaye, en plein mois de décembre, où mon entreprise nous envoyait en séminaire une semaine par an, cloitrés dans les bungalows d'un centre de vacances fermé à cette date. Et aussi, vaguement, ces fêtes bayonnaises pendant lesquelles on faisait courir des vachettes désorientées, excitées par des hommes plus ou moins avinés. vêtus d'un pantalon blanc et coiffés d'un béret plat.

 

 

{notre maison à Ustaritz, avec vue sur les montagnes au creux desquelles coule la Nive; et les fameux piments, évidemment !}

 

Ce devait être bien autre chose, forcément, et cela le fut. La maison louée était nichée à Ustaritz, un de ces villages de l'arrière-pays qui ponctuent la route du piment. C'est une ancienne "labourdine" typique de la région - murs chaulés de blanc, parements rouges, datant du XIIIe siècle, solide, touchante avec son look "vacances chez la grand-mère", merveilleusement fraîche. De l'étage, on a une très jolie vue sur les basses montagnes enchassant la Nive. 

 

 

{Espelette, sorte de village-modèle, très carte postale, espadrilles, bérets basques, grappes de piments, mais n'est-ce pas ce qu'on est venu chercher ici ?}

Le soir, alors que la chaleur peinait à rendre les armes, on entendait les enfants s'ébrouer dans ses eaux claires. Je les aurais bien rejoints, car les plages ici, aussi belles soient-elles (oh la douceur veloutée du sable hendayais...) n'offrent pas un brin d'ombre, et mes récents soucis de santé m'imposent de ne pas m'exposer. J'ai abusé du soleil, j'en mesure les conséquences ! Alors par 37°, le choix d'une visite en intérieur s'est imposée.

 

 

 

{La Villa Arnaga : une gigantesque bâtisse de style néobasque, imaginée et décorée par Edmond Rostand lui-même, dans  un style différent mais aussi fantasque que la Hauteville House de Victor Hugo; dans la cuisine, superbe, la vaisselle fait un clin d'oeil à sa célèbre pièce Chanteclerc}

 

La petite station thermale de Cambo les Bains, à dix minutes d'Ustaritz, cache en pleine verdure la retraite d'un de nos plus grands auteurs français. C'est en effet là qu'Edmond Rostand, fragilisé par une pneumonie, était venu y prendre les eaux et, tombant amoureux de la région, décida d'y faire édifier la maison de ses rêves. Dont il avait les moyens, naturellement.

 

{la Villa Arnaga, où vécut l'auteur de Cyrano de Bergerac, et son épouse Rosemonde Gérard; en portraits, leurs fils Maurice et Jean, le futur biologiste; le dressing de madame et la salle de jeux des enfants; quant à la cuisine, je veux la même...}

 

{Un des vitraux du salon d'apparat sur le thème du zodiaque; le petit théâtre des enfants Rostand}

Aussi baroque et inspiré qu'un Pierre Loti ou qu'un Victor Hugo, Edmond Rostand a imaginé la Villa Arnaga comme un décor de théâtre, somptueux, cossu, excentrique. Il est bon de rappeler que son épouse, Rosemonde Gérard, fut elle aussi poétesse et dramaturge, et qu'elle forma avec son grand homme un couple fusionnel. Leur maison est émaillée d'extraits des pièces de Rostand, impertinents et savoureux. Cette phrase entre autres, tirée de la pièce "Chanteclerc", donnant à réfléchir 120 ans plus tard :

 

"Comme il sait indiquer que les haines de race ne sont jamais, au fond, que des haines de place"

 

 

 

{Ainhoa, Sare, des bijoux de villages au creux des montagnes; une lecture de circonstance, aux couleurs locales; Bidart, superbe, sa mairie et son petit marché d'artisans} 

Ustaritz n'est qu'à 20 minutes des côtes, mais nous laisserons passer le week-end et sa foule de baigneurs avant d'aller les découvrir. Le dimanche, c'est bon de sillonner la belle campagne où l'herbe grasse fait le bonheur des brebis en estive, de tomber sur des villages de poupée comme Ainhoa ou Sare, de se laisser surprendre par ces cimetières aux étranges pierres tombales, de s'installer en terrasse pour goûter une part généreuse de gâteau fourré à la confiture de cerises noires, et de se ravitailler en Ossau Iraty pour les dîners express au jardin.

 

 

{le cimetière de Cambo les Bains; détails des stèles discoïdales près de l'église de Larressore : la base en trapèze représente la vie terrestre, et la partie supérieure, en forme de cercle, la vie dans l'au-delà. Le monument dans son entier symbolise le passage de l'âme du défunt de la vie terrestre à la vie céleste} 

 

 

{Sommes-nous en Ecosse ? En Irlande ? Voici le château-observatoire Abbadia : ne pas se fier à son allure austère !}

Le temps ici change quotidiennement. Même lorsque la montagne se drape dans son étole de nuages, mieux vaut prévoir la tenue du jour. On quitte Ustaritz en pull et baskets vers la frontière espagnole, mais dès midi la chaleur vous rattrape (règle d'or : prévoir du léger quand il fait froid le matin, et du douillet quand c'est le contraire...) La Corniche qui mène de Saint Jean de Luz à Hendaye est une petite route sinueuse où l'on aimerait pouvoir s'arrêter pour contempler un paysage quasiment irlandais : tout y est, la lande, les moutons à tête noire, les falaises... Et ce drôle de château aux allures de forteresse plus ou moins "médiévale", Abbadia, que nous visiterons sur les conseils des propriétaires de notre location.

 

 

 

 

{Inspiration William Morris pour les papiers peints; magnifique perspective de l'escalier hélicoïdal}

Ethnologue, aventurier, astronome, Antoine d'Abbadie était un monsieur Touche à tout qui a lui aussi fait un rêve en forme de maison, dont il a eu la bonne idée d'en confier la conception au célèbre architecte Viollet-Le-Duc. Il en résulte une spectaculaire bâtisse qui cache, sous sa sévère apparence, un intérieur à la décoration exubérante, tarabiscotée et théâtrale, parfois insolite. 

 

 

 

{la plage d'Hendaye, et ses petites cabines cousines de celles du Nord ! }

D'Hendaye, nous prendrons une charmante navette prénommée Marie-Louise qui traverse l'estuaire de la Bidassoa pour mener en Espagne. Fontarrabie est une très ancienne cité fortifiée qui subit moult assauts aux fil des siècles, mais je ne me sens pas le courage de vous asséner un cours d'histoire, ni vous de le lire j'imagine. Dans la moiteur de cette fin de journée, les rues pentues et pavées invitèrent à la promenade, et le café de l'après-midi, siroté sur les remparts de l'ancien château de Charles Quint transformé en "Parador" fut un moment enchanteur.

 

 

 

 

{Hôtel El Emperador : je me demande à quoi ressemblent les chambres... Nous n'avons testé que le salon de thé en terrasse... et les toilettes; très poétique bénitier dans l'église Santa Maria de la Asuncion; achat utile dans une boutique de la ville : ce chapeau anti-bronzage, avec ruban à mon initiale, vous noterez... Spritz basque, à la cerise bien sûr !}

J'espère que ces balades vous ont mis en jambes, car je vous propose à présent de saisir votre bâton de pèlerin pour Saint Jean Pied de Port, un des hauts lieux des chemins qui mènent à Saint Jacques de Compostelle. Ici, les godillots ont remplacé les paréos. C'est une ballet de mollets secs et tannés, une bigarrure de sacs à dos où ballotent mugs, coquilles et fanions.

 

 

 

{ Il y aura toujours des chats sur la route de mes vacances : ce petit pèlerin moustachu médite sur la philosophie du voyage; espadrilles, toujours}

 

 

Le voyage se termine. Je ne vous aurai même pas parlé de Saint Jean de Luz, vu trop vite un jour de grande chaleur, de la maison Louis XIV où le tout jeune roi, venu signer le traité des Pyrénées et épouser l'infante Marie-Thérèse d'Espagne, vécut quelques semaines, de la pâtisserie Adam, qui honora cette union en offrant aux époux une pyramide de macarons encore confectionnés aujourd'hui selon la recette d'origine, de la maroquinerie Laffargue et ses somptueux sacs pour lesquels, non non non, je n'ai pas craqué, de ses galeries d'art, de son église Saint Jean Baptiste et son remarquable retable.

 

{Encore une tuerie qui pourrait faire de l'ombre à la liste déjà conséquente de mes gourmandises : le gâteau basque ! à la crème ou aux cerises noires, cette dernière version étant ma préférée; J'ai fait tout ce qui est programmé sur ce torchon, sauf le train de la Rhune pour cause de vertige incontrôlable}

Un séjour au Pays basque sans voir Biarritz et Bayonne... Mais en six petits jours, comment faire ? 
Conquise, oui, sans nul doute par le charme et l'authenticité de cette province, sa remarquable identité, ses drôles de noms qui sonnent parfois comme des éternuements, la très grande gentillesse des personnes croisées,  ses couleurs : l'or et le bleu des côtes, le vert des contreforts des Pyrénées, et ce rouge-brun "piment" qui strie toutes ses maisons au blanc immaculé. Je suis rentrée incollable sur les races de brebis - Manech à tête noire, Manech à tête rousse, brebis basco-béarnaise - les mille usages du piment, les gestes de la pelote, la préparation du greuil, et une furieuse envie de revenir un jour, en prenant mon temps.
De retour à Paris, ce soir-là, juste à temps pour voir cela :

 

 

* Ongi etorri signifie Bienvenue

 

Et comme à chaque fois, une liste de ce qui était sur ma route :

 

* Villa Arnaga

* Piments Bipia

* Ainhoa

* Le musée du gâteau basque

* Château d'Abbadia

* Maison Adam

* Maison Laffargue

* Parador de Hondarribia

 

10 août 2024

Ici et là

C'est quelque chose que l'on fait rarement, du moins n'en avais-je que peu
fait l'expérience, qui est de donner aux étapes de vacances une attention
appuyée. Sur la route qui menait au Pays Basque, s'offraient de nombreuses
alternatives, calées sur le temps de conduite, le réseau autoroutier,
les centres d'intérêt, la curiosité, bref, le dévolu fut jeté, dans
l'ordre ou le désordre, sur Tours, 
Saintes, Arcachon, Les Herbiers.

 

 

{les couleurs de Saintes : pierre blonde patinée et verts hésitants entre l'amande et le céladon}

A Saintes, c'est déjà un peu le sud, ne serait-ce que par la chaleur qui nous y accueille. Les volets sont à demi fermés, dans les rues écrasées de soleil, nul chat en vue, attendant sans doute la fraîcheur crépusculaire pour y traîner son altière silhouette, les magasins paraissent figés dans le temps, et le semblant de vie se concentre autour du marchand de glaces. 

 

 

 

 

{l'hôtel des Messageries; l'abbaye aux Dames et son église; l'Arc de Germanicus}

Il n'y aura pas de sortie nocturne le soir de notre arrivée, cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques oblige! Crêpe avalée vite fait, nous rentrons à l'hôtel nous délecter de ce spectacle fabuleux, original, dérangeant parfois (pour certains !) inventif, émouvant toujours. Le lendemain, nous attendaient la Charente et ses bords ourlés de mousse où accostent des gabarres nonchalantes, l'Arc de Germanicus, l'Abbaye aux Dames et ses jardins, la basilique Saint-Eutrope. Nous reviendrons.

 

 

{Les Herbiers : vestiges du château et drôle de cabane un peu "Barbie" dans le théâtre de verdure du
Jardin Coria; les ifs toscans font partie du jardin de l'adorable Villa Métis, où nous avons dîné le soir}

Qui ne connait pas les plages de Vendée, Saint Jean de Monts et Noirmoutier, les baignades et les sauts dans les vagues, les beignets horriblement gras, horriblement bons, les châteaux balayés par la marée, les retours par les allées forestières crissantes sous les tongs, serviette sur l'épaule, les soirées sous les étoiles avec les cousins tandis que les parents sont encore à table, et que l'été s'étire, doucement...(souvenirs persos) Mais qui connait l'arrière-pays et la petite ville des Herbiers ? Une halte chez ma sœur fraîchement herbretaise,  nous a permis d'en apprécier les recoins secrets.

 

 

 

{La cabane du Jardin Coria aux Herbiers; un peu plus loin sur la route : Mauchamps, village natal de Georges
Clemenceau, encore dans son jus}

 

 

{à Tours, liesse dans la ville pour son Festival de l'ail et du basilic : nous avons craqué pour une tresse et 4 pots, ces derniers pas très contents de se retrouver sur la banquette arrière de la Clio}

Un saut plus à l'ouest : est-ce la gourmandise qui nous fit choisir la capitale du Val de Loire, le souvenir sensuel de son gâteau aux amandes copieusement fourré de fruits confits et de compote d'abricots(voir billet précédent "La vie de château)? Tours nous attend, et le hasard fit que ce jour-là c'était le Festival de l'ail et du basilic. Depuis que lors de notre dernier voyage en Pays de Loire, un village traversé nous avait annoncé avec force banderoles "la Fête de la tomate farcie", plus rien ne pouvait nous étonner...

 

 

{Nougat tourangeau : soit j'apprends à le faire, soit je me fais livrer chaque semaine; cette ruelle style série Netflix se nomme "Passage du cœur navré"; boutique pleine de papiers jolis, fleuris}

Arcachon : déjà vu et apprécié il y a (déjà !) deux ans. Hors zone commerciale, cette ville est merveilleusement calme. Ville d'hiver et Parc mauresque. Sachet de Dunes blanches et sieste sous les pins. Dîner à la Coquille, un restaurant qui propose des plats végétariens savoureux, copieux, inventifs. Et le soir, sur le front de mer, une rencontre magique avec Pascal Thomas, qui fait jaillir du sable un fabuleux bestiaire pacifique. 

 

 

 

 

{cette chilienne surdimensionnée est très demandée, je n'y resterai donc pas longtemps; Ah, mes Dunes blanches... Une famille au grand complet soutient les beach volleyeurs, et le chien dressé sur ses pattes ne rate pas une passe; bestiaire au repos; façade entièrement en trompe-l'oeil !}

 

{les incroyables sculptures sur sable de Pascal Thomas sur la plage Thiers}

Demain, ou après-demain, et même un peu plus tard car j'ai encore 1652 photos à trier, je vous parlerai du Pays basque, qui était en réalité la destination finale. J'ai donc pris mon temps, pas vraiment pressée de descendre aussi bas, pas emballée non plus.
Les idées toutes faites sont les pensées les plus bêtes au monde.


En attendant, encore quelques adresses que j'ai bien aimées :

 

* Hôtel des messageries à Saintes

* Villa Métis aux Herbiers

* Restaurant l'Aubépine à Tours

* Restaurant Coquille à Arcachon

* Sculpteur sur sable à Arcachon

 

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